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La vie dans un environnement inhabituel, avec un minimum d’équipement, peut-elle être facile voire même agréable ? C’est ce que tente de montrer François Couplan en emmenant depuis vingt ans des groupes de personnes faire l’expérience de la « survie douce ».


C’est à deux pas des Gorges du Verdon que va se dérouler notre randonnée, dans les montagnes des Alpes de Haute Provence parfumées de lavande sauvage. Un pays aux vastes horizons, où le soleil est roi. Me voici arrivée à la gare de Barrême, notre lieu de rendez-vous. De là, François nous emmène à son centre de stages, isolé en pleine nature. Après un dernier repas « civilisé », les dix stagiaires se réunissent autour de notre guide pour écouter ses conseils : « Nous allons emporter le minimum de choses – un duvet pour bien dormir, des vêtements chauds, de bonnes chaussures et un canif. Nous prendrons aussi un peu de farine et d’huile d’olive pour accommoder les plantes que nous ramasserons et pour favoriser la transition alimentaire : il ne s’agit pas de jeûner, mais de trouver une forme d’alimentation plus simple, plus naturelle ».

Forêts de chênes et de pins sylvestres, coteaux calcaires, gorges profondes : plusieurs centaines de kilomètres carrés s'offrent à nos explorations

Nous sommes bientôt prêts au départ. Première constation, agréable : mon sac à dos n’a jamais été aussi léger ! Suivant les conseils du livret que nous avons reçu, j’en ai retiré le superflu, et, bien sûr, la nourriture ne pèse pas trop lourd. Le chemin surplombe une vallée profonde. Le groupe est joyeux, mais les plaisanteries qui fusent semblent parfois cacher une pointe d’inquiétude devant ce qui nous attend. La largeur du chemin permet de marcher à plusieurs de front et les langues vont bon train. « Pourquoi es-tu venue ici ? » Jocelyne, infirmière à Grenoble, 25 ans m’explique : « J’avais envie de sortir un peu du béton, de respirer un grand coup d’air pur. Ici, je suis servie ». Fred, dentiste à Sisteron, 43 ans : « Moi, j’avais vraiment besoin de décompresser, de me dégager du stress de ma vie professionnelle. Je suis déjà venu plusieurs fois avec François ». Vincent, employé à Paris, 29 ans, vient surtout pour découvrir une nouvelle approche de la nature, qu’il veut transmettre à la troupe de scouts dont il s’occupe. C’est également la motivation de Claire, secrétaire à Nantes, 36 ans, qui est venue avec sa fille Cécile, 10 ans – la benjamine du groupe -, avec qui elle veut vivre une expérience au-delà du cadre familial. Quant à Roland, professeur à Strasbourg, 54 ans, il désire se resourcer, se retrouver face à lui-même loin des artifices de la vie civilisée.

Pause rafraîchissante au bord d'un torrent

Le sentier descend maintenant en zigzaguant vers le fond de la vallée pour traverser sur un vieux pont de bois un torrent aux eaux blanches. Des arbres d’essences variées fournissent une ombre bienvenue et donnent une impression de calme et de mystère. Peu après, nous remontons pour rejoindre un sentier taillé à même le roc qui domine des gorges impressionnantes. Par endroits, cent cinquante mètres d’à-pic vertigineux nous séparent des vasques d’émeraude où le torrent s’assagit entre deux cascades. Le groupe est devenu très calme. La puissance et la beauté majestueuse de la nature nous forcent au silence.

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Mais il est temps de revenir à des considérations plus matérielles et de songer à la cueillette. Car au cours de cette semaine en pleine nature, nous consommerons essentiellement les plantes que nous aurons ramassées. François nous présente au fil de leur rencontre les végétaux utiles. Le sureau par exemple, qui fournit d’abord ses fleurs pour en faire des beignets parfumés puis ses fruits pour les desserts; la sarriette odorante, que l’on nomme « poivre d’âne » en provence; le tussilage, dont les feuilles cuites longuement sont un excellent légume; les amélanches au goût de raisins secs, qui formeront un dessert apprécié. Et encore bien d’autres plantes.

Préparation de la cueillette pour un repas bienvenu...

En fin d’après-midi, nous arrivons à notre lieu de bivouac : une pelouse entourée de buis et de frênes, et en contrebas une source étonnament abondante pour ce pays sec. Malgré la fatigue de la marche, la plupart des membres du groupe sont prêts à s’activer. Certains vont chercher du bois et préparent le feu. D’autres montent un bivouac à partir de toiles de tente et de carrés de plastique retenus par des cordelettes, car de gros nuages noirs sont apparus vers l’ouest. De mon côté j’ai choisi la cuisine. La première opération consiste à préparer avec de la farine une pâte dont nous confectionnerons des chaussons farcis d’épinards sauvages. Pendant ce temps, nous ferons cuire la soupe et préparerons une salade composée de nombreuses plantes. Des groseilles sauvages et une infusion de thym viendront clore ce repas, que j’aurais pu craindre plus frugal.

La nuit est tombée. Le cri de la chouette hulotte résonne avec régularité. François nous apprend à distinguer le cri du mâle, plus modulé que celui de la femelle. Réunis autour du feu, je lui demande : « Pourquoi as-tu baptisé ces stages du nom de “survie douce” ? Je ne comprends pas bien le terme ». « Pour la plupart des gens, “survivre” signifie en fait “sous-vivre”, vivre douloureusement dans des conditions difficiles. Pour moi, vivre avec peu de chose dans un environnement naturel, avec les plantes, l’eau pure, le soleil, c’est “sur-vivre”, vivre plus intensément. J’en ai souvent fait l’expérience et j’ai voulu la partager. Quant à l’épithète, c’est pour bien me démarquer des survies “dures”, de type commando, où chacun essaie de sauver sa propre peau en se battant contre son environnement. Moi, je voudrais vous montrer que la nature est une amie et que, lorsqu’on la connaît, on s’y sent mieux qu’ailleurs ».

Le soir, autour du feu qui nous rassemble...

Malgré la nuit noire qui nous entoure avec une force inhabituelle pour nous autres citadins, la nature ne m’apparaît pas comme hostile. D’avoir été nourrie par elle ce soir et d’avoir appris à la connaître un peu par l’intermédiaire de ses plantes y est sûrement pour quelque chose. Je suis cependant contente de me trouver au sein d’un groupe, car je n’aurais pas osé vivre seule cette aventure, et je discute encore avec quelques personnes avant de m’endormir sous les étoiles.

Les jours suivants se passent à parcourir les montagnes, de crêtes ventées en vallons profonds où coulent de frais torrents. Nous profitons souvent de l’occasion pour nous baigner. Ces intermèdes tonifiants permettent aussi de relâcher un peu les tensions qui ne manquent pas de se produire. Car la vie en pleine nature ne va pas sans difficultés. Le changement d’alimentation n’est pas toujours bien vécu par tous. Il n’est pas évident non plus de ne pas pouvoir compter sur la stimulation du café ou de la cigarette, ni sur celle des innombrables habitudes qui comblent nos vides. Nous nous trouvons face à la nature, certes, mais aussi face à nous-même, à nos peurs, à nos obsessions et ce n’est pas toujours facile à vivre !

Mais les problèmes qui se posent sont faits pour être surmontés. La clef de la survie – et de la vie en général – réside dans l’adptabilité. Et de toutes façons, les difficultés ne peuvent effacer les bons côtés de l’expérience : l’approche en profondeur de la nature comme nous ne l’avions jamais abordée, les amitiés qui se sont nouées, le partage quotidien, la découverte des plantes, l’apprentissage de techniques intéressantes… Notre attitude face à la nourriture a aussi beaucoup changé : nous avons pu nous rendre compte qu’il est possible d’être plein d’énergie avec une quantité de nourriture bien moindre que celle que nous ingurgitons quotidiennement. Avec un sentiment de purification, de régénération et de bien-être.

Le bivouac est monté, l'orage peut arriver...

Cette semaine était surtout un grand bol d’air, une sensation de liberté jamais vécue. D’émerveillement envers ce qui nous entoure pour l’avoir découvert d’une façon nouvelle. Le recul par rapport à ma réalité quotidienne, l’impression de m’être dépassée, le fait de me connaître un peu mieux, m’ont permis d’acquérir une vision plus claire sur certains problèmes personnels et une force pour mieux aller de l’avant dans ma vie.

Nicole Bondu

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