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Beauce, Brie, Vexin – plaines immenses de culture intensive où les pylônes remplacent les arbres… Les plantes du Bassin parisien se résumeraient-elles au blé, au maïs et à la betterave à sucre ? Heureusement non. Malgré des doses massives d’engrais et de pesticides, de courageux végétaux résistent encore et toujours ! On les nomme généralement « mauvaises herbes ».

Le philosophe américain Ralph Waldo Emerson a dit un jour : « Il n’y a pas de mauvaise herbe, il n’y a que des plantes dont nous ne connaissons pas les propriétés ». On pourrait même affirmer : « dont nous ne connaissons plus les propriétés » car jadis nos ancêtres, libres de préjugés, consommaient tout ce qui poussait autour d’eux, sauvage ou cultivé. La plupart des végétaux entraient à quelque titre dans la catégorie comestible, médicinale ou autrement utilitaire. Mais à force de nous consacrer exclusivement à la culture au détriment de la cueillette, la connaissance de l’usage des plantes spontanées s’est perdue et tout ce qui n’a pas été semé par la main de l’homme s’est trouvé banni. Une multitude de végétaux sont ainsi devenus indésirables. Ils sont systématiquement arrachés ou impitoyablement arrosés d’herbicides ! Plutôt que de « mauvaises herbes », ou alors avec des guillemets, parlons donc d’« adventices », du latin adventicius, « qui vient du dehors », pour désigner les plantes qui poussent avec nos légumes cultivés ou nos ornementales. La liste en est longue et instructive.

Nous n’irons pas les cueillir dans les champs engraissés ni au bord des autoroutes. Mais les jardins[1] sont suffisamment nombreux pour y trouver de quoi satisfaire notre curiosité gourmande. 

D’excellentes indésirables 

Redouté des jardiniers et des cultivateurs, le chénopode blanc a mis au point un mode de reproduction d’une efficacité redoutable. Imaginez une plante capable de produire plus de 50 000 graines par pied et dont chaque semence possèderait une durée germinative de 50 ans ou davantage… Il y a de quoi frémir ! 

Dès que l’on retourne un carré de terre, notre « mauvaise herbe » est là avec ses tiges dressées, rameuses, et ses feuilles palmées. C’est de cette particularité que provient son nom, du grec chên, « oie » et podion, « patte ». On la nomme aussi « ansérine », du latin anser, « oie ». Quant à l’épithète, il se comprend en observant l’aspect blanchâtre des feuilles au sommet de la plante, dû à de minuscules billes qui forment une couche farineuse facilement décelable au toucher.

Authentique légume oublié, le chénopode blanc était cultivé par les Romains. Crues ou cuites, ses feuilles ont une saveur très délicate rappelant en plus fin celle de l’épinard, membre la même famille, les Chénopodiacées. Originaire de Perse, l’épinard fut rapporté des Croisades et ne s’implanta véritablement en Europe occidentale qu’au XVIème siècle. Son adoption précipita aux oubliettes – pour une question de mode – de nombreuses « herbes à pot », dont notre chénopode blanc. Ce dernier, négligé bien à tort, est pourtant une très bonne plante de base pour la salade et un excellent légume cuit. Pour en apprécier au mieux le goût, il suffit de le passer à la vapeur, mais on peut aussi lui appliquer les différentes recettes qui servent à accommoder son cousin arriviste.

Les feuilles de chénopode sont très riches en protéines complètes, en vitamine A, en vitamine C et en calcium. Elles renferment aussi des vitamines B, du phosphore et du fer. Mais attention, tout comme chez l’épinard, leurs oxalates solubles se montrent irritants et il faudra éviter tout excès.

Les petites graines noires se mangent depuis la Préhistoire. Des quantités en ont été retrouvées dans des foyers datant du mésolithique, voici environ 9000 ans. Mais on doit préalablement les cuire à deux eaux pour en éliminer les saponines. La première eau mousse et doit être jetée[2]. Une seconde cuisson permet de consommer les graines en céréale ou en bouillie. C’est exactement le cas de sa cousine récemment devenue célèbre, la quinoa, céréale des Incas. Dans les Andes, celle-ci nécessite la même préparation. Les variétés commercialisées en Occident ont été spécialement développées pour produire des graines sans saponine. Il est probable que des recherches expérimentales permettraient d’obtenir de semblables résultats avec le chénopode blanc. On peut aussi réduire les graines en poudre et les mélanger à de la farine de blé pour confectionner des galettes. 

Le genre Chenopodium est riche d’une centaine d’espèces dont plus de quinze ont élu domicile dans l’Hexagone, la plupart comme adventices. Toutes offrent à nos appétits leurs feuilles et leurs graines des mêmes façons que le chénopode blanc. Le chénopode Bon-Henri, légume et céréale sauvage de nos montagnes est particulièrement intéressant.

Lasagnes de chénopode 
– Faites revenir des feuilles de chénopode blanc dans de l’huile d’olive en remuant constamment.
– Préparez une sauce tomate : étuvez quelques oignons, ajoutez des tomates coupées en morceaux, de l’ail et du serpolet ou de l’origan effeuillé.
– Salez.Laissez mijoter au moins une demi-heure.
– Vérifiez l’assaisonnement.
– Dans un plat à gratin huilé, disposez une couche de plaques de lasagnes.
– Garnissez de sauce tomate puis du tiers du chénopode.
– Saupoudrez de fromage râpé.
– Recouvrez d’une couche de lasagnes et continuez ainsi jusqu’à épuisement des ingrédients.
– Terminez par une légère couche de sauce tomate et parsemez d’un peu de fromage.
-Faites cuire à four moyen (180°C) environ 30 minutes. 
– Une couche de sauce béchamel intercalée entre les autres apportera de l’onctuosité à ce plat mais elle n’est pas nécessaire. 

Que l’homme est donc ingrat ! Il n’y a guère plus de quatre siècles – à peine quelques minutes dans son histoire -, il introduisit d’Amérique un excellent légume apprécié tant pour ses feuilles que pour ses graines, puis il le négligea et le laissa tomber dans l’oubli. Pour une fois cependant, la nature se rebiffa et l’amaranthe réfléchie ne disparut pas. Bien au contraire puisqu’elle vit toujours avec nous au quotidien, dans nos jardins, comme une envahissante « mauvaise herbe » à éliminer impitoyablement.

La stellaire moyenne est communément appelée « mouron blanc » ou « mouron des oiseaux » mais cette dénomination peut créer une confusion avec le mouron rouge (ci-dessous). Jusqu’au milieu du XXème siècle, des marchands ambulants vendaient en plein Paris du mouron au cri de : « Régalez vos petits oiseaux ». La stellaire était récoltée par brouettes entières jusqu’à plus de vingt kilomètres de la capitale. Vers 1900, la corporation des marchands de mouron comptait environ deux mille membres !

Notre plante a quelques cousines, dont on la distingue facilement grâce à sa ligne de poils médiane. Mais à part la stellaire aquatique, les autres espèces[4] sont trop coriaces pour être consommées.

Soupe crue de stellaire
– Triez et lavez de la stellaire bien tendre et hachez-la grossièrement.
– Placez-la dans le bol d’un robot de cuisine avec de l’huile d’olive, de l’ail cru pressé, et du sel. Mixez, en ajoutant un peu d’eau si nécessaire, pour réduire la stellaire en purée.
– Ajoutez de l’eau, du lait et des pommes de terre préalablement cuites à l’eau et pelées.
– Mixez brièvement.
– Si vous mixez trop longtemps, les pommes de terre risquent de devenir collantes.
– Ne remplissez pas trop votre mixer. Il vaut mieux procéder en plusieurs fois et mélanger le tout.
– Dégustez tiède, avec des croûtons revenus au beurre, cette délicieuse soupe, en la faisant réchauffer délicatement.
– Attention à ne pas la faire bouillir : son superbe vert vif deviendrait tristement brunâtre…

Les bonnes « mauvaises herbes »

Toutes nos plantes ont une histoire, en particulier les adventices, venues des quatre coins du monde au fil des pérégrinations humaines. Voici celle du galinsoga. Née dans la Cordillère des Andes, cette petite Composée fut dédiée à Martinez Galinsoga, directeur du jardin botanique de Madrid au XVIIIème siècle. À peine introduite en Europe, il y a trois cents ans, elle commença subrepticement à se répandre d’elle-même dans les terres cultivées. C’est aujourd’hui une « mauvaise herbe » commune dont on s’évertue à se débarrasser en l’arrachant sans pitié de nos plates-bandes. Pourtant la guasca, de son nom quechua, est consommée en Amérique du Sud depuis l’époque inca. Cultivée sous les hautes tiges de maïs, elle est vendue sur les marchés. C’est le légume de base du plat national colombien, l’ajiaco.

Le galinsoga se déguste cru, en salade, lorsqu’il est jeune. Son délicieux goût d’artichaut, ou plus précisément de topinambour, n’est pas un hasard : c’est un proche cousin de ces deux légumes. Ses petits capitules de fleurs blanches et jaunes témoignent de son appartenance à la famille des Composées. Ses feuilles larges et dentées sont opposées, un trait rare dans ce groupe. Velu, rampant, pas très gracieux et bien humble d’aspect, le galinsoga est pourtant l’un des meilleurs légumes que nous offre la nature. Il existe mille manières de l’accommoder : en soupes, en soufflés, en gratins, etc. On emploie la plante entière[5] dans sa jeunesse puis plus tard uniquement les feuilles car les tiges deviennent filandreuses.

 Ajiaco de Cundinamarca 
– Placez dans une marmite des oignons, des feuilles de coriandre et un poulet coupé en morceaux.
– Couvrez d’eau et salez. 
– Faites cuire à feu vif en écumant.
– Puis réduisez le feu et laissez mijoter.
– Au bout d’un quart d’heure, ajoutez des pommes de terre à chair ferme épluchées et coupées en cubes.
– Laissez cuire à feu moyen une trentaine de minutes.
– Une fois le poulet cuit, sortez-le et réservez.
– Mettez dans la marmite des pommes de terre à chair farineuse, des feuilles de guasca (galinsoga) et quelques épis de maïs frais coupés en trois*.
– Poursuivez la cuisson pendant un quart d’heure.
– Quand les pommes de terre sont cuites, remettez les morceaux de poulet et laissez cuire encore cinq minutes. 
– Servez bien chaud, accompagné de crème fraîche, de câpres, de piment et de tranches d’avocat bien mûr. 
– Cette recette est traditionnelle en Colombie.* 
– Ou à défaut, des grains de maïs en boîte. 

Certaines plantes sauvages subissent en prenant de l’âge de malheureuses transformations. C’est le cas de la lampsane, excellent légume au stade de la rosette qui devient d’une amertume excessive en grandissant. Il faut donc savoir l’identifier à ses seules feuilles, profondément divisées en lobes arrondis dont le terminal est beaucoup plus grand, tronqué ou en cœur à la base. Leurs découpes, leur habitude de former des touffes régulières évoquent le pissenlit, un proche parent. 

La jeune lampsane se mange en salade ou comme légume. Mais dès que se développe la hampe florale, il faut faire cuire les feuilles à deux eaux pour en éliminer les substances amères. La longue tige se divise en nombreux rameaux grêles décorés de mini-capitules de fleurs jaunes, toutes en languettes comme chez le pissenlit.

En usage externe, les feuilles de lampsane passées à l’eau bouillante sont appliquées sur les crevasses du mamelon.

Le laiteron maraîcher, lui, vieillit mieux. Ses feuilles sont bonnes à tous les stades de développement de la plante. Glabres, d’un vert bleuté, de consistance caoutchouteuse, elles sont divisées en segments anguleux dirigés vers le bas, le terminal plus grand et de forme triangulaire. Dans leur jeunesse touffue, elles font d’excellentes salades. Mais elles restent encore très acceptables une fois développée la tige qu’embrassent les feuilles par deux lobes pointus. Et de jeunes rejets très tendres paraissent à l’aisselle des rameaux. On peut les cueillir régulièrement sans arracher la plante qui produira ainsi de délicates pousses jusqu’à l’automne.

Le laiteron est aussi un cousin du pissenlit comme en témoigne son latex blanc, ses capitules de fleurs jaune clair toutes en languettes et ses petites boules de duvet qu’essaime le vent.

Une espèce voisine, le laiteron âpre n’est bonne, elle, que dans son tout jeune âge. Ses feuilles deviennent rapidement aussi épineuses que celles d’un chardon.

Lampsane et laiterons font partie de la grande famille des Composées.

Si nous n’allons pas au gaillet gratteron, il ne se prive pas de venir à nous, sous forme de boulettes hérissées de poils crochus qui se prennent dans les chaussettes. Ces fruits, qui ont trouvé un efficace moyen de dissémination, fournissent un bon succédané du café. Torréfiés et moulus, ils exhalent une odeur rappelant étonnamment celle du stimulant bien connu. Après tout, gaillet et café appartiennent à la même famille, les Rubiacées. Mais pour en obtenir la saveur attendue, il ne faut pas lésiner sur la quantité.

Le gaillet gratteron affectionne les terres riches en azote. Ses longues tiges molles s’étalent sur la végétation qu’elles agrippent par leurs petits aiguillons recourbés. Elles s’agrémentent de collerettes étagées de feuilles étroites et allongées, bordées elles aussi de crochets, réunies par six à huit au même point. Les fleurs miniatures présentent quatre pétales blancs pointus, soudés à la base. 

Les jeunes pousses du gratteron peuvent être cuites à la vapeur et servies avec une sauce comme les asperges. Si ce n’est pas le meilleur légume au monde, elles ont du moins le mérite de pouvoir être récoltées en abondance.

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De nombreuses espèces de gaillet poussent dans nos régions. La plupart ont des fleurs blanches, certaines jaunes comme le gaillet caille-lait. Il est facile de distinguer au simple toucher le gaillet gratteron car il s’agrippe à tout ce qui l’approche.

Certains végétaux hésitent entre toxicité et bienveillance. La morelle noire, une adventice fréquente dans les terres cultivées, est de celles-là. Ses tiges très ramifiées portent de larges feuilles vertes, un peu molles, et de petites fleurs blanches à cinq lobes, semblables à celles de sa cousine la pomme de terre. Les baies qui en naissent passent du vert au noir à maturité. 

Les Occidentaux tiennent la morelle noire pour vénéneuse. Son feuillage, cru, et ses fruits verts auraient empoisonné le bétail. Il est vrai que la plante renferme de la solanine toxique, également présente dans les parties vertes de la pomme de terre et de la tomate. 

Il semble cependant avéré que les feuilles cuites sont inoffensives, du moins si l’on en fait une consommation modérée. Elles sont mangées en légume dans les régions tropicales. À la Réunion et aux Antilles, ce sont les « brèdes morelle ». On la consomme couramment à Madagascar, en Chine et en Corée, et on en faisait jadis de même dans le sud de l’Europe. Les baies mûres sont tout à fait comestibles. Juteuses et sucrées, elles ont donné naissance aux États-Unis à une variété fruitière nouvelle, la wonderberry, « baie-merveille ».

Des adventices à éviter

D’aspect assez semblable à la succulente stellaire (ci-dessus), le mouron rouge partage le même habitat. Attention donc à bien l’en distinguer. Ses tiges rampantes, un peu aplaties, sont munies de quatre angles (la tige de la stellaire est ronde), ses petites feuilles opposées sont ponctuées de brun sur la face inférieure (il n’y en a pas chez la stellaire) et ses fleurs sont d’un rouge brique ou plus rarement bleu vif. C’est un cousin de la primevère, de la famille des Primulacées, alors que la stellaire appartient à celle de l’œillet, les Caryophyllacées.

Le mouron rouge n’est pas comestible. Il possède une légère toxicité due à sa richesse en saponines. Ces substances moussantes réduisent la tension superficielle des liquides. Dans le sang, elles font éclater les globules rouges et provoquent l’hémolyse. En fait, le mouron rouge n’est guère dangereux pour l’homme, mais il est toxique pour les animaux, poissons et oiseaux surtout. Sa racine était parfois utilisée en Inde comme poison de pêche. La littérature médicale relate que des chevaux seraient morts d’en avoir consommé des doses excessives…

L’euphorbe réveille-matin est affublée d’un nom curieux. Ce n’est pas qu’elle sonne à sept heures, mais les botanistes ont constaté depuis longtemps qu’elle suivait, comme le tournesol, la course du soleil. Ils l’ont donc baptisée helioscopia, du grec hêlios, « soleil », et skopeô, « observer ».

C’est une petite plante à tige unique, rougeâtre, portant la plupart de ses feuilles à la base de l’inflorescence. Celle-ci est une large ombelle à cinq rayons, divisé chacun en trois puis en deux. Des feuilles miniatures, de plus en plus petites, sont situées à chaque branchement. Les fleurs verdâtres sont caractéristiques des euphorbes : dans une petite coupe, quatre étamines en bourrelets arrondis entourent l’ovaire globuleux et pendant. 

Toutes les espèces d’euphorbes renferment un lait blanc âcre et caustique. Les Allemands nomment ces plantes de façon imagée : Wolfsmilch, « lait de loup »… Elles sont irritantes et leur ingestion peut faire vomir. Au contact de la peau, le latex provoque des dermites et s’il atteint les yeux, des complications sont à craindre. Leur usage populaire contre les verrues n’est pas recommandable.

Y a t-il des tueuses dans nos jardins ? Pas vraiment. Si la petite ciguë y prolifère, déguisée en persil plat, elle n’est pas vraiment mortelle. Il importe néanmoins de savoir la reconnaître. Ses feuilles, de contour général triangulaire, sont profondément divisées en segments allongés découpés en lobes aigus. La principale différence avec le persil réside dans leur teinte, un vert sombre très mat. Elles forment une touffe d’où s’élève en été une tige portant à son sommet de petites fleurs blanches réunies en ombelles. La signature de la petite ciguë réside dans les trois courtes bractées étroites et allongées dirigées vers le bas qui bordent à l’extérieur chaque ombelle secondaire et forment une couronne inversée autour de l’inflorescence.

La petite ciguë peut provoquer des troubles digestifs, mais elle ne semble pas se montrer mortelle pour l’homme, même à dose élevée. Il est néanmoins possible que sa toxicité varie selon les terrains. La fumure semble l’augmenter.

Sa cousine la grande ciguë est plus dangereuse. Elle provoque des troubles nerveux et respiratoires pouvant aboutir à la mort par paralysie du diaphragme. Ainsi mourut Socrate. La toxicité de la plante, due à plusieurs alcaloïdes, varie suivant la partie considérée, la saison et le lieu où elle pousse. La racine est moins virulente que la tige ou les feuilles ; les fruits sont particulièrement vénéneux juste avant maturité ; la ciguë serait plus toxique dans le Midi qu’au nord : Linné la cite même parmi les plantes comestibles de Suède… La plante séchée est réputée plus bénigne. Quoiqu’il en soit, il est indispensable de savoir la reconnaître.

La grande ciguë affectionne les décombres plutôt que les cultures. C’est une plante bisannuelle, glabre, à tige robuste tachée de pourpre dans sa partie inférieure. Les amples feuilles de la base sont munies d’un long pétiole, lui aussi maculé. Elles sont finement divisées en segments plus ou moins triangulaires, eux-mêmes lobés et dentés. Les fleurs blanches se groupent en ombelles terminales de petite taille et donnent des fruits presque globuleux, semblables à des grains de coriandre. Lorsqu’on en froisse l’une ou l’autre partie, la grande ciguë dégage une odeur désagréable rappelant l’urine de souris.

Une légende voudrait que la ciguë soit l’œuvre du diable désireux d’imiter la carotte, sa cousine, créée par Dieu… 

Au fil des eaux courantes

Depuis le milieu du XIXème siècle, la région d’Étampes s’est fait une spécialité de la culture du cresson. À l’heure actuelle, le département de l’Essonne en fournit près de la moitié de la production française. Plante aquatique, le cresson nécessite une eau courante froide et très pure. Les nombreuses sources jaillissant par percolation à travers les sables stampiens sont parfaites. Le danger de la cueillette du cresson sauvage provient d’un parasite, la douve du foie, habituel dans les intestins des ruminants. Bovins et ovins en excrètent les œufs qui sont ingérés par un escargot aquatique, la limnée. À l’issue de sa transformation à l’intérieur du gastéropode, une forme de résistance se colle aux plantes vivant dans l’eau ou immergées une partie de l’année. Le cresson, la véronique beccabunga mais aussi de simples pissenlits dans une ornière peuvent l’héberger. Si l’homme consomme ces végétaux, les larves ne peuvent se développer comme chez les animaux-hôtes. Elles forment dans le foie des kystes qui peuvent atteindre une taille énorme. Seule l’ablation chirurgicale peut alors être envisagée. On conçoit que la culture dans de l’eau de source, n’ayant traversé aucun pâturage, présente une garantie de sécurité appréciable.

Cette précaution vaut la peine si l’on souhaite manger le cresson cru car un lavage soigneux à l’eau vinaigrée ne suffirait pas à éliminer l’éventuel parasite. Mais la cuisson écarte tout risque. La traditionnelle soupe est donc sans danger, de même que les sauces et les purées, les gratins, les soufflés et les tartes. 

De toute façon, qu’il soit sauvage ou cultivé, il faut se méfier du cresson cru. Son abus entraîne de douloureuses cystites due à l’essence sulfurée, irritante, qu’il contient. C’est à elle qu’il doit son goût piquant de moutarde : il appartient à la même famille, riche en condiments, les Crucifères. Ses petites fleurs blanches à quatre pétales en croix le révèlent, de même que ses siliques allongées et ses feuilles découpées en segments arrondis, le terminal plus grand que les autres. 

Le cresson est riche en vitamine C, en provitamine A, en fer et en iode. 

Quiche de cresson 
– Préparez à l’avance une pâte brisée : dans un récipient fermant hermétiquement, mettez 250 g de farine, 100 ml d’huile et 100 ml d’eau tiède et une pincée de sel.
– Ajustez bien le couvercle et secouez énergiquement en tous sens pendant une minute.
– Laissez reposer au moins deux heures. Faites blanchir le cresson, égouttez-le soigneusement et hachez-le grossièrement.
– Abaissez la pâte et foncez-en un moule huilé et fariné.
– Passez-la à four moyen (180°C) pendant 5 mn pour qu’elle reste ferme à la cuisson.
– Répartissez le cresson sur ce fond de tarte.
– Battez trois œufs en omelette à la fourchette, puis mélangez-y de ¼ l de crème fraîche, ¼ de l lait et du fromage râpé.
– Salez et poivrez.
– Versez sur le cresson et faites cuire une demi-heure à four chaud. Servez sans attendre. 
-Une excellente alternative pour ceux que les produits laitiers rebutent consiste à utiliser des produits issus du soja : écrasez du tofu standard avec du tofu soyeux, très crémeux, et versez ce mélange sur le cresson à la place de l’appareil classique. 

La confusion n’est pas rare entre le cresson et une autre Crucifère poussant elle aussi les pieds dans l’eau, la cardamine amère. Cette dernière a des folioles plus nombreuses, plus étroites et d’un vert plus clair. La méprise serait sans conséquence puisque le sosie est tout aussi bon que l’original, à part une saveur encore plus puissante rappelant celle de la cardamine des prés.

L’ache nodiflore est parfois prise pour du cresson et récoltée par erreur. Cette Ombellifère aquatique paraît pourtant bien différente avec ses feuilles divisées en segments allongés et dentés. En l’occurrence, la bévue ne serait pas grave car l’ache est parfaitement comestible. Mais attention à ses cousines mortelles : ciguë vireuse, oenanthe aquatique et oenanthe safranée. Elles vivent dans l’eau mais ne sont pas flottantes comme le cresson et leurs feuilles sont finement divisées, bien davantage que celles de l’ache.


[1] Ces plantes aiment l’azote, les terres riches : ce sont d’excellentes indicatrices de la qualité du sol.

[2] On peut l’utiliser pour laver le linge ou les cheveux.

[3] Tels le blé, le maïs, le riz, l’orge, le seigle, l’épeautre ou l’engrain.

[4] La stellaire holostée, la stellaire graminée et la stellaire des bois.

[5] Tiges, feuilles et fleurs.

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