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Les plantes sauvages regorgent de bienfaits. Et si on en mettait davantage dans nos assiettes? C’est ce que propose l’ethnobotaniste François Couplan. Article à télécharger ici en PDF.

N’est-il pas extraordinaire que l’homme soit, dans le règne animal, le seul à se poser la question de ce qu’il doit manger?» Derrière cette interrogation, tirée de son dernier livre, François Couplan dresse un constat: alors que le monde végétal est apte à subvenir à tous nos besoins alimentaires, les bienfaits nutritionnels des plantes sauvages sont encore trop méconnus. Pour parer à ce manque et profiter des cadeaux de la nature, le célèbre ethnobotaniste tente d’éveiller les consciences via des ouvrages touffus et des stages en plein air aux alentours de sa propre demeure. Suivons le guide!

Derrière une imposante ferme en bois ancien, un jardin singulier se dévoile. Des plantes par dizaines, de grands arbres et des fleurs aux formes bigarrées em- plissent la vaste étendue ruisselante. Il est 9h du matin à Massonnens (FR), ce samedi 22 juin. Un petit groupe d’apprentis cueilleurs se protège des éléments sous des parapluies. Manifestement ravis d’être là, ils ont tous le même objectif en tête: en savoir plus sur l’univers des plantes sauvages et découvrir leurs vertus gustatives et curatives.

Repenser son lien avec la nature

Face à eux, le maître égrène des noms latins d’une voix de conteur en désignant un parterre de plantes penchées dans le vent. «Voici du lierre terrestre. Et ici, une rangée de plantain lancéolé.» Sous son chapeau mouillé, François Couplan est lancé. Et personne ne va l’interrompre. Aux quelques bavardages de l’assemblée pourtant captivée, il n’hésitera pas à mettre le holà, à la façon d’un prof d’école. Avec une pointe d’humour et beaucoup de savoir, le spécialiste n’aura toutefois guère de peine à transmettre sa passion. «Si l’un des buts de la cueillette sauvage est de repenser notre lien avec la nature, l’objectif de cette journée est aussi de reconnaître et cueillir des plantes pour cuisiner ensemble quelques plats», présente-t-il, perché sur un rocher.

Un sac en toile sur l’épaule, un carnet à la main, les participants sont prêts à arpenter l’espace vert et bruissant. Parmi la quinzaine d’amateurs venus de régions proches, mais aussi de France ou d’ailleurs, certains s’y connaissent déjà un peu. C’est le cas de Dominique, phytothé- rapeute, qui détient un élevage de sang- sues en Suisse allemande. «Regardez, c’est une Hemerocallis flava», glisse-t-elle, l’œil émerveillé. La fleur teintée de jaune moutarde attire en effet le regard. «On peut la manger, celle-ci?» s’interroge un néophyte. «Non seulement on peut la manger, mais en Chine par exemple, on l’utilise beaucoup à des fins médicales. On trouve des fleurs d’hémérocalle séchées un peu partout sur les marchés!» renseigne François Couplan.

Le long du parcours, l’ethnobotaniste distille une foule d’informations sur le potentiel culinaire et médical des végétaux, décrivant formes et textures, jusqu’à mi- mer le geste pour bien cueillir sans arracher la plante: on la pince entre l’ongle du pouce et l’index. «Lors d’une cueillette, il faut observer attentivement et ne pas hésiter à tripoter», explique-t-il, une reine-des-prés dans les mains.

Le spécialiste n’oubliera pas de parler des éventuels dangers de la cueillette sauvage. «La notion de toxicité est complexe, elle dépend notamment de la dose et de la partie de la plante ingérée, mais aussi de comment on la cuisine. Dans la nature, il y a à peu près 4% de plantes toxiques. Il y en a un certain nombre qui sont abondantes, faciles à reconnaître et que l’on peut manger en quantité. Une base solide permet d’éviter certaines craintes», développe François Couplan tout en s’approchant d’un plant d’asperges sauvages.

Quiche d’égopode et brandade d’orties
Après plus d’une heure et demie, les sacs de toile sont pleins: violettes, menthe, consoudes, fenouil, pissenlits, égopodes… la récolte a été bonne. Les tas de plantes sont fièrement déposés sur une grande table. Au menu, boulettes de consoudes farcies, brandade d’orties aux lentilles corail et quiche d’égopodes aux oignons. En guise de dessert? Un flan d’agar-agar à la reine-des-prés.

De quoi réjouir la petite troupe, qui s’est déjà attelée à diverses tâches en cuisine, comme tamponner des feuilles ou préparer une pâte minute. C’est que les estomacs gargouillent. En fin d’après- midi, les plats sont prêts à être consommés. Et le verdict tombe enfin: «Tout est étonnamment bon!»

Quel premier conseil donneriez-vous à une personne qui aimerait se lancer dans la cueillette?
«Je lui dirai qu’il faut le faire en confiance, mais avec suffisamment de connaissances pour éviter tout souci. Il faut donc faire preuve de rigueur dans son approche et débuter avec des cours sérieux et une personne expérimentée qui permettra d’éviter toute source de confusion.»

Faut-il se méfier de l’échinococcose? Que peut-on faire pour y échapper? «L’échinococcose (ndlr: maladie parasitaire provoquée par un ver plat, l’échinocoque) est une réalité, mais elle est surtout transmise par le contact avec des chiens mal vermifugés : il faut donc se laver les mains avant chaque repas, surtout si l’on en a caressé un. En ce qui concerne les plantes de cueillette, la seule façon d’éviter tout doute est de les faire cuire.»

Parmi toutes vos recettes, laquelle vous procure le plus de plaisir? «J’aime particulièrement la brandade d’orties, parce que j’ai longtemps cherché une manière d’utiliser les vieilles feuilles d’orties que je trouvais trop fortes. Mélangées avec des oignons, des lentilles, de l’ail et de l’huile d’olive, elles s’adoucissent et donnent au plat une saveur que je trouve très intéressante.»

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