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La Bourgogne est célèbre pour ses vins, sa fondue et… ses escargots. Une invitation à découvrir ce pays riche en plantes au rythme des gastéropodes, mais sur ses deux pieds. En voici quelques-unes à découvrir le long des chemins bourguignons.

Les Composées au bord du chemin

Nous n’allons pas rencontrer au cours de notre périple les plus élégants des végétaux. L’armoise, par exemple, n’a pas vraiment grande allure. Elle forme dans sa jeunesse de grosses touffes vertes qui grisonnent avec l’âge. Ses feuilles profondément divisées présentent un contraste étonnant entre leur face supérieure, d’un vert foncé, et inférieure, blanchâtre-cotonneuse. Les minuscules fleurs vert-jaunâtre étirent leurs grappes lâches à l’extrémité des rameaux. Leur charme ne réside pas dans leur aspect mais dans la douce odeur d’encens qu’elles dégagent lorsqu’on les froisse.


Les jeunes pousses d’armoise se cueillent avec l’extrémité tendre des tiges, juteuse, aromatique et sucrée. Leur saveur rappelle celle de l’artichaut et l’on en fait de très bons beignets. Au Japon, les jeunes feuilles sont cuites à l’eau et mangées avec des graines de sésame grillées et de la sauce de soja. On s’en sert aussi pour aromatiser et colorer les boulettes de riz gluant nommées mochis. Afin de pouvoir en disposer toute l’année, les feuilles sont blanchies à l’eau bouillante puis séchées à l’ombre et enfin au soleil. Les inflorescences, qui paraissent à la fin de l’été, parfument remarquablement les crèmes et les flans.

Les avis diffèrent. Pour certains, l’armoise aurait été dédiée à Artémis, déesse des bêtes sauvages, protectrice des femmes et des vierges, pour d’autres à Artémise, reine de Carie et veuve de Mausole pour qui elle fit édifier le célèbre monument funéraire. L’une comme l’autre, experte dans les vertus des plantes, s’était fait une spécialité de la gynécologie. De fait, l’armoise est souveraine en ce domaine. Elle régularise la venue des règles et diminue les douleurs qui souvent les accompagnent. Son action sur le foie et la sphère digestive est tout aussi favorable. En acupuncture, de petits cônes d’armoise, les moxas, sont brûlés pour stimuler les points énergétiques. 

Le genre Artemisia est vaste, avec 350 espèces dans le monde dont 55 en Europe. Outre l’armoise vulgaire, l’absinthe, les génépis et l’estragon en font partie. L’armoise annuelle, originaire d’Extrême-Orient, offre de grands espoirs dans le traitement du paludisme.

La tanaisie associe à un arôme divin une amertume intense. À condition de savoir l’utiliser à bon escient, c’est un remarquable condiment. Traditionnellement, les feuilles parfument des liqueurs. Dans cet esprit, on nomme souvent notre plante « arquebuse » ou « chartreuse ». Elle rehausse la saveur des infusions de menthe ou d’autres plantes odorantes. Afin d’en limiter le côté amer, il est pré­fé­ra­ble de faire macérer à froid quelques fragments de feuilles : avec un peu de citron et de miel, on en prépare ainsi des boissons rafraîchissantes. Les résultats les plus intéressants s’obtiennent en alliant la tanaisie à d’autres aromatiques[1] puis en travaillant le mélange par décoction, infusion et ajout de plante fraîche dans du lait ou de l’eau pour parfumer des crèmes, des flans, des mousses, des sorbets ou d’autres desserts. La tanaisie agit en quelque sorte comme rehausseur de goût. Alchimie culinaire : elle doit être ajoutée aux autres végétaux dans des proportions telles qu’on ne la sente pas vraiment mais qu’il manque quelque chose si elle n’y est pas… Les capi­tules s’emploient des mêmes façons que les feuilles, mais ils sont encore plus forts !

La tanaisie était en grand u­sage dans l’Angleterre élisabéthaine du XVIème siècle. On en ap­pré­ciait alors la saveur prononcée et l’odeur quelque peu médicamenteuse… Le jus que l’o­n en extrayait aromati­sait par excellence les omelettes sucrées nommées tansies du nom anglais de la plante, tansy. Mais sa vogue a passé.

La tanaisie tonifie l’organisme, favorise la venue des règles et élimine les vers intesti­naux. Il est préférable de l’éviter en période de grosses­se car on l’a utilisée, non sans risque d’ailleurs, comme abortif, du fait de sa teneur en thujone. À haute dose, la tanaisie est dangereuse. D’ailleurs l’utilisation comme vermifuge d’huile essentielle distillée de la plante a donné lieu à des empoisonnements. Un bouquet de tanaisie fraîche placé dans une pièce a tendance, par son odeur, à éloigner les insectes. Bon à savoir pour les jardiniers : on peut utiliser la plante comme insecticide de la même manière que son cousin le pyrèthre[2].

« Chartreuse » ·        
– Cueillez une poignée de jeunes feuilles de tanaisie, avant la floraison.     
– Mettez à macérer dans un litre d’alcool de fruit avec 60 g de sucre.    
– Au bout d’un mois, retirez la tanaisie et filtrez le liquide.
– Pour donner à la liqueur une belle couleur verte, procédez comme suit :hachez très finement des feuilles d’ortie. posez-les sur un torchon et mouillez d’eau. 
– Laissez reposer 10 mn puis tordez fortement le torchon pour extraire le plus possible de jus
– Faites chauffer celui-ci au bain-marie à moins de 70°C. la chlorophylle coagule : extrayez-la à la cuillère et versez dans la « Chartreuse ».       
– La chlorophylle ainsi obtenue se conserve quelque temps au réfrigérateur.

Bien plus modeste que ses cousines, la camomille matricaire demande que l’on se penche sur elle pour la voir de près. On la repère pourtant facilement car là où elle pousse, rien d’autre ne vient, si ce n’est le grand plantain et la rampante renouée des oiseaux. En effet, ces humbles végétaux se sont adaptées aux terres compactées par le passage des pieds, des pattes et des roues : elles poussent non pas au bord mais au beau milieu des chemins, dans l’argile compacte des chaussées de campagne ou des cours de fermes, voire sur les esplanades des villes si les services de la voirie se sont montrés chiches en herbicide.

La matricaire est une petite plante annuelle à tige unique, raide, difficile à couper entre les doigts comme si la plante préférait se laisser arracher plutôt que sectionner. Son feuillage finement découpé évoque une mousse légère. Ses curieux capitules coniques d’un jaune verdâtre semblent incomplets car dépourvus de ligules, comme une marguerite réduite à un « cœur » conique. Et de nouveau, la magie opère : en froissant résolument ces boules insignifiantes se dégage de façon totalement inattendue un délicieux parfum rappelant l’ananas. D’ailleurs les Américains nomment notre plante pineapple weed, « mauvaise herbe ananas », et les botanistes l’ont baptisée Chamomilla suaveolens, la camomille à odeur douce. 

Les capitules de matricaire s’ajoutent aux salades où ils explosent en bouche. Ils présentent en effet, en plus de leur arôme, l’intéressante propriété de provoquer une dense salivation. Cet effet trigéminal[3] caractéristique se retrouve dans l’estragon ou la brède mafane[4]. De ce fait, la matricaire agit comme exhausteur de saveur en prolongeant la « bouche » des mets. Convenablement préparés, les capitules de matricaire parfument remarquablement les sauces, les boissons ou les desserts. 

Arrêtons-nous un moment sur le terme de camomille. Il trouve son origine dans le grec chamaï, « nain », et mêlon, « fruit semblable à une pomme ». L’aspect globuleux des capitules et leur odeur peut en effet rappeler ce fruit, d’où le nom espagnol de la plante, manzanilla, de manzana, « pomme ».

Mais il existe en fait plusieurs camomilles, toutes cousines et membres de la grande famille des Composées. Ainsi distingue-t-on la camomille allemande, la camomille romaine, la camomille inodore, la grande camomille, la camomille puante ou «maroute» et la fausse camomille. Contrairement à la matricaire, elles possèdent des fleurs ligulées, donc ce qui semble être des « pétales » à la périphérie du capitule. La camomille allemande a une odeur agréable, assez douce ; la camomille romaine, remède des digestions difficiles, est plus forte mais plaisante ; la grande camomille est moins fine – mais elle se montre souveraine contre la migraine. Toutes les autres espèces sont inodores ou désagréables. Les capitules des espèces odorantes peuvent être utilisés comme ceux de la matricaire, mais leur parfum n’est pas aussi suave. 

Les camomilles donnent à la distillation une huile essentielle d’une belle couleur bleue due à une substance particulière, l’azulène. Leurs capitules tonifient l’organisme, aident la digestion, relaxent le système nerveux et calment les douleurs.

Le mélilot aromatise suprêmement les crèmes, les sorbets, les sauces et les boissons. Condiment plus puissant, plus sauvage que l’aspérule il apporte pourtant beaucoup de rondeur aux mets. Les tagliatelle fraîches au mélilot, sont un plat simple mais bouleversant. Les graines ont jadis servi d’épice, en particulier pour aromatiser les fromages. 

La plante a des vertus calmantes et fluidifie le sang. Mais des doses excessives peuvent se montrer émétiques et provoquer divers troubles. Par ailleurs, si le mélilot moisit, la coumarine se transforme en dicoumarol, substance toxique utilisée pour tuer rats et souris par hémorragie interne.

 Tagliatelles au mélilot 
– Confectionnez les pâtes fraîches : formez une fontaine avec 300 g de farine sur un plan de travail lisse et cassez 3 oeufs au centre.
– Ajoutez une pincée de sel et un peu d’huile d’olive. mélangez le tout jusqu’à obtention d’une pâte bien ferme mais malléable.
– Faites une boule et couvrez avec un linge.laissez reposer 1 heure environ.abaissez sur une surface légèrement farinée des feuilles fines de 2 à 3 mm d’épaisseur et découpez de longs rubans.
– Dans une casserole versez du bouillon de légume, ajoutez du mélilot séché et de la crème liquide.
– Faites réduire de moitié à feu doux.
– Assaisonnez et passez au chinois.
Tenez cette sauce au chaud.Faites cuire les tagliatelles 2 mn à l’eau bouillante salée. 
– Égouttez et mélangez délicatement à la sauce. 
– Servez dans des assiettes creuses pour conserver la chaleur.Cette recette est due à Joël Quentin de l’Eurotel à Villars-sur-Ollon.

Les feuilles de luzerne ne sont d’ailleurs pas à dédaigner. Leur saveur agréable, assez marquée, s’apprécie lorsqu’on les consomme crues en salade ou en légume cuit. Chez les Kabyles du Maroc, elles accompagnent le couscous de semoule de maïs. Leur richesse en protéines complètes, en chlorophylle, en provitamine A et en vitamine K est impressionnante. Cette dernière est d’ailleurs extraite commercialement de la luzerne. 

Les inflorescences sont également comestibles et décorent joliment les salades. Les graines sont mises à germer et les jeunes pousses qui se développent sont consommées, crues, après quelques jours. C’est un aliment très sain et de saveur délicate, dont la popularité va croissant. On les vend couramment, sous le nom arabe d’alfalfa, dans les magasins d’aliments naturels et certains supermarchés. Pour récolter soi-même les graines, on peut battre les inflorescences mûres sur un drap placé par terre, puis vanner ce qui résulte.

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Le feuillage vaporeux des vesces borde élégamment les chemins. Leurs tiges minces, très ramifiées, se couvrent de feuilles découpées en folioles étroites, les terminales transformées en vrilles. L’ensemble forme de légères houppes vertes que viennent colorer les petites fleurs violacées. La corolle papilionacée de ces dernières indique l’appartenance de la plante à la famille des Légumineuses. Les fruits sont des gousses étroites en forme de corne. Noires à maturité, elles s’ouvrent spontanément et libèrent de petites graines sphériques d’un vert brunâtre.

Une quarantaine d’espèces différentes, souvent difficiles à distinguer, poussent en France, du bord de mer jusqu’aux sommets. On peut les classer en deux grands groupes : les vesces à fleurs solitaires ou réunies par deux à l’aisselle des feuilles et les vesces à fleurs réunies en grappes plus ou moins allongées. Toutes peuvent s’utiliser des mêmes façons mais certaines sont rares.

Les jeunes pousses de vesce peuvent être mangées comme légume. Les graines de plusieurs espèces étaient jadis consommées, après une longue cuisson. Certaines de ces plantes étaient même cultivées dans ce but. Mais les graines de quelques vesces renferment de l’acide cyanhydrique. Il suffit de les faire longuement cuire à l’eau, puis de jeter cette dernière, pour éliminer ce danger potentiel.

Arômes d’Ombellifères

 Yaourt glacé aux fruits de carotte sauvage 
– Hachez grossièrement les ombelles de carottes en fruits et disposez-les en trois tas égaux.
– Faites bouillir 1 l d’eau avec 300 g de sucre et ajoutez-y le premier tas.
– Au bout d’un quart d’heure, retirez du feu et ajoutez le deuxième tas. Couvrez.
– Un quart d’heure plus tard, lorsque le liquide est devenu tiède, ajoutez le troisième tas et mixez longuement avec un mixer-plongeur.
– Filtrer soigneusement sur une passoire fine.
– Ajoutez au liquide 1⁄4 l de crème fleurette et 8 yaourts nature.
– Mettez à turbiner dans une sorbetière.

Pendant longtemps, le panais était confondu avec la carotte sous le même vocable de pastinaca­. L’empereur Tibère s’en montrait tellement friand qu’il en faisait régulièrement venir des confins de l’Empire. Ronsard en raffolait :

« L’artichaut et la salade,

L’asperge et la pastenade[5]

Et les pompons[6] tourangeaux

Me sont herbes plus friandes

Que les royales viandes

Qui se servent à monceaux. »

Après un franc succès comme légume-racine, le panais tombe dans l’oubli voici un siècle à peine. Si les Anglais vendent toujours les racines de parsnip sur leurs marchés, la plante n’est plus guère en France que vulgaire « herbe-à-lapins » foisonnant au bord des chemins. À ce titre, on la confond souvent avec la berce sa cousine au sein de la grande famille des Ombellifères. Ses feuilles en touffes denses sont composées de cinq à onze segments opposés, ovales et lobés, tandis que celles de la berce sont deux fois divisées en larges segments anguleux. 

Le panais est, comme la carotte, une plante bisannuelle. On récolte donc sa racine entre la fin de la première année de sa vie, où elle s’est gorgée de sucres et le début de la seconde : alors la hampe florale s’élance et la racine devient ligneuse. Dans leur prime jeunesse, les racines du panais sauvage, brunes à l’extérieur et blanches à l’intérieur, sont tendres et charnues. Elles sont bonnes crues, hachées dans les salades, mais il est habituel de les faire cuire. Leur texture est moins ferme que celles des carottes et leur saveur plus aromatique. On en fait des purées et des gratins, des soupes et des pot-au-feu.

Les feuilles de panais sont comestibles crues ou cuites. Elles sont meilleures lorsqu’elles sont jeunes. Elles peuvent néanmoins, à l’état frais, provoquer des irritations de la peau chez les personnes sensibles dont elles touchent la peau nue et qui s’exposent ensuite au soleil. Une sous-espèce, le panais urticant, est particulièrement incriminée. Les dermites de contact qu’il occasionne mènent parfois à des brûlures du second degré.

Au printemps de la deuxième année de sa vie, le panais développe une tige rigide, sillonnée, qui se couronne en son sommet de multiples ombelles de fleurs jaune-verdâtre. Bientôt se forment de petits fruits ovales, aplatis et ailés, très aromatiques lorsqu’on les écrase entre les doigts. Riches en huile essentielle, ils forment un condiment puissant proche des fruits de berce. On peut les utiliser à la façon du gingembre. Ils stimulent l’organisme et facilitent la digestion.

Et bien d’autres familles…

Soudain l’air estival embaume. Un délicieux parfum de miel caresse les narines : le gaillet vrai est en fleurs. Le bord du chemin, sec et calcaire, se décore d’une vaporeuse bordure de tiges densément couvertes de feuilles d’un vert bleuté, très fines, en collerettes étagées. Ces verticilles sont caractéristiques des gaillets : on les rencontre également chez l’aspérule et le gratteron. De minuscules fleurs se pelotonnent en grappes jaunes au sommet des tiges. Il faut s’approcher pour distinguer les quatre pétales soudés, aigus, d’un jaune d’or.

  • On nomme ce gaillet « caille-lait » car on l’utilisait dans la fabrication de fromages. Dans la pratique, il semble que la meilleure présure végétale provienne des fleurs de chardon, encore employées voici peu dans l’Ouest de la France. Les fleurs du gaillet vrai permettent néanmoins de confectionner de délicieux sorbets au goût de miel.

La plupart de nos quelque quarante espèces de gaillet ont des fleurs blanches inodores et ne connaissent pas d’emploi culinaire.

C’est au moment de l’année où la terre passe au plus proche de l’astre du jour que les bords des chemins se parent des bouquets d’or du millepertuis. Dans bien des régions, on le connaît sous le nom d’« herbe de la Saint Jean » car la fête de l’apôtre a lieu le 24 juin, peu après le solstice d’été. D’autres préfèrent l’appeler « herbe à mille trous » en raison des nombreuses taches claires que l’on distingue en tenant l’une de ses feuilles à contre-jour. Telle est également la signification de « millepertuis[7] ». Il s’agit en fait de petites glandes translucides, emplies d’une essence odorante : froisser une feuille entre ses doigts révèle un parfum fruité qui n’est pas sans rappeler la pêche.

Ses tiges dressées, très ramifiées, présentent la particularité d’être parcourues dans leur longueur par deux lignes saillantes facilement décelables avec les doigts. Les feuilles arrondies, opposées, sont bordées de petits points noirs. Les fleurs, groupées au sommet des tiges, épanouissent tout l’été cinq grands pétales de la couleur du soleil, délicatement ponctués de noir au bord. En pressant fortement les fleurs, sourdent quelques gouttes d’un liquide pourpre qui tache intensément les doigts. Cette couleur profonde se communique à la célèbre « huile de millepertuis » préparée en faisant macérer les sommités fleuries pendant trois semaines. Excellent remède contre les coups de soleil, l’huile de millepertuis s’emploie également comme vulnéraire sur les plaies et les ulcères. En massage local, elle permet souvent d’atténuer ou de voir disparaître des douleurs mal définies. La doctrine des signatures, qui établit des correspondances entre plantes et affections, voit une double expression du pouvoir curatif de la plante dans la couleur des fleurs, jaune vif comme un soleil ardent, et dans le rouge de leur suc qui évoque la peau brûlée par ses rayons. 

Les ventes de millepertuis ont grimpé en flèche depuis quelques années, après que des vertus antidépressives lui ont été reconnues. Les américains le considèrent comme un véritable « Prozac » naturel et la Sécurité sociale allemande le rembourse comme antidépresseur léger depuis 1988. Des études comparatives entre millepertuis et médicaments allopathiques ont prouvé l’efficacité de la plante. Mais le 1er mars 2000, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé publiait un communiqué mettant en garde les médecins contre l’usage éventuel dans ce but du millepertuis car il diminuerait l’effet d’autres médicaments pris simultanément, tels les antirétroviraux et les contraceptifs oraux, en activant leur élimination par le foie. On peut toutefois ne pas être sidaïque, et préférer le préservatif à la pilule…

Certains composants du millepertuis peuvent, si des sujets sensibles l’ingèrent, provoquer des inflammations de la peau exposée au soleil. Les animaux à la robe claire qui en consomment de grandes quantités[8] souffrent parfois de graves brûlures au second degré sous l’effet du rayonnement solaire.

C’est peut-être parce qu’il possède de réelles propriétés que le millepertuis a également été crédité de vertus magiques. C’était l’herbe solaire qui mettait en fuite les légions de Satan et obligeait les sorcières à avouer leur pacte maudit… D’innombrables rituels mettant en oeuvre le millepertuis sont décrits pour guérir les possédés, pour exorciser les maisons, les étables ou les champs. L’un d’entre eux consiste à cueillir quelques branches de millepertuis le 24 juin, en plein Midi, puis de les passer trois fois à travers les flammes du feu rituel allumé en cette nuit, l’une des plus courtes de l’année, en prononçant une invocation à Saint Jean. Il ne reste plus qu’à les suspendre à la porte de la maison pour la préserver de tous maléfices.

Il existe une vingtaine d’espèces différentes de millepertuis dans nos régions. La plus commune est le millepertuis perforé – toujours les trous… Toutes ne sont pas efficaces pour fabriquer de l’huile : il arrive qu’en pressant des fleurs entre les doigts un liquide en coule clair et non pourpre. D’où la nécessité, encore une fois, d’être précis dans l’identification.

Qui pense réséda évoque un mystérieux parfum exotique que bien peu ont senti. En effet, le réséda odorant, originaire de Libye, est rarement cultivé de nos jours. Plusieurs de ses cousins vivent en France dont l’un, le réséda jaune, se rencontre fréquemment le long des chemins.

C’est une plante vivace d’aspect mince et allongé, terminée par une hampe fuselée de fleurs jaunâtres. Les tiges, souvent couchées à la base puis redressées, portent de petites feuilles divisées en longs segments. Ondulées sur les bords, d’un vert foncé en dessus, elles dégagent une forte odeur au froissement. Les fleurs ont une structure très particulière. Elles donnent de courts fruits renflés, anguleux sur les côtés, comme tronqués au sommet.

Feuilles, fleurs et fruits possèdent une saveur piquante très proche de celle de la moutarde ou du cresson, membres d’une famille voisine. On peut les ajouter crus aux salades, comme condiment. 

Un autre réséda, la gaude, était autrefois cultivé pour la teinture jaune que l’on extrayait de ses feuilles.

Quelles sont ces fleurs qui dardent hors de leur corolle un style bifide semblable à la langue d’un serpent ? Celles de la vipérine, bien sûr. Cette cousine de la bourrache et de la consoude est, à leur instar, tout hérissée de poils raides. Elle commence par étaler sur le sol une rosette symétrique de feuilles allongées, d’ailleurs comestibles à ce stade. Bientôt se dresse une haute tige rigide, colonne velue et feuillée, qui pique les doigts désireux de la cueillir. Elle se coiffe d’une longue grappe de fleurs bleu violacé : en été, les chandelles colorées des vipérines transforment bas-côtés et décombres en séduisants parterres fleuris.

De grandes colonies d’une plante à l’ample feuillage bordent ça et là les bords des chemins. Leur force vitale étonnante symbolise la puissance de la nature : en hiver, rien n’est visible puis, dès le printemps, la verdure pousse avec vigueur. Rapidement se forment de véritables haies qui fleurissent l’été et fructifient avant l’automne. C’est le sureau hièble, ou « yèble », cousin des sureaux noir et rouge (p. 000 et 000).

Contrairement à ces derniers, aux troncs ligneux, le sureau hièble est une plante herbacée. Ses tiges non ramifiées portent de grandes feuilles composées de folioles étroites, allongées et aiguës qui, lorsqu’on les froisse sentent le pain grillé… ou peut-être le pneu brûlé. Ses fleurs sont d’un blanc pur, plus ou moins rougeâtre en-dehors, et d’odeur agréable. Comme chez le sureau noir, elles sont réunies en corymbes tournés vers le ciel. La différence apparaît à la fructification : les baies du hièble restent dressées alors que celles de l’arbuste bien connu retombent en direction du sol. Ce sont de petites billes foncées semblables aux fruits du sureau noir. Mais à leur différence elles sont désagréablement amères et passent pour toxiques, ou du moins purgatives… Toutes les substances responsables ne sont pas connues avec précision mais les graines renferment des substances agissant négativement sur le cœur et le sang.

Les fleurs du hièble sont utilisées en infusions contre la grippe et les refroidissements. Jadis très appréciée dans la médecine des campagnes, la plante connaît toutefois certaines applications un tant soit peu sujettes à caution : contre les morsures de vipère par exemple, on appliquait des feuilles pilées après avoir en fait boire à la victime une copieuse décoction…

Identifier avec certitude les plantes n’est qu’un départ. Encore faut-il soigneusement en étudier les usages et faire preuve d’un minimum de prudence avant de les mettre en pratique.


[1] Mélisse, menthe, myrrhe odorante, etc.

[2] Une grande Composée originaire de Yougoslavie et d’Albanie, utilisée commercialement pour sa faculté de tuer les insectes sans être toxique pour les animaux à sang chaud.

[3] Agissant sur le trijumeau, nerf crânien qui innerve la face, la langue et les dents et assure le fonctionnement des muscles masticateurs.

[4] Un légume typiquement malgache bien qu’originaire d’Amérique du sud.

[5] « Pastenade » dérive en droite ligne du latin pastinaca.

[6] Les potirons.

[7] Un « pertuis » désigne en ancien français une petite ouverture.

[8] Comme dans l’Ouest des États-Unis où le millepertuis couvre des centaines d’hectares.

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