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We demain

L’ethnobotaniste et écrivain français milite pour faire reconnaître les vertus alimentaires et
médicinales des plantes sauvages. We Demain l’a rencontré à l’occasion de la sortie de son
nouvel ouvrage, “Ce que les plantes ont à nous dire”.

Il suffit qu’une abeille entre par la fenêtre en bourdonnant pour aussitôt détourner son attention. Bien présent physiquement dans le petit appartement parisien où on le rencontre, François Couplan ne reste, par la pensée, jamais très loin de la nature.

L’ethnobotaniste a quitté ses chères Alpes de Haute-Provence pour présenter son livre Ce que les plantes ont à nous dire (éd. Les Liens qui Libèrent), dernier ouvrage d’une longue série consacrée aux secrets des plantes. Il confie à We Demain sa passion pour le monde végétal, mais aussi ses doutes sur notre capacité à apprécier pleinement ses bienfaits.

We Demain : Dans votre livre, vous définissez la plante comme “un être vivant capable de fabriquer sa propre nourriture grâce à la photosynthèse, généralement immobile”. À partir de quand peut-on la qualifier de “sauvage” ?

François Couplan : Une plante “sauvage” est une plante qui se sème toute seule, qui se développe sans que l’Homme n’ait eu l’intention de la faire pousser. C’est du moins ma conception de la chose. Certains considèrent qu’une plante vraiment sauvage est une plante qui n’a jamais été transformée à quelque moment de son existence. Prenez la pomme de terre par exemple. Même si une graine se plante toute seule, grâce à une fourmi, elle reste une plante exogène et hybride. La pomme de terre que l’on connaît est une espèce fabriquée en croisant plusieurs espèces sauvages.

Vous-même confiez manger plusieurs plantes sauvages comestibles, dont le chénopode, la consoude ou le fruit du physalis…

Les plantes sauvages ont un véritable intérêt alimentaire : l’ortie possède 8 fois plus de vitamine C que le citron, et presque autant de provitamines A que la carotte. Les consommer, c’est à la fois gaspiller moins de terre cultivable pour produire mais aussi vivre en meilleure santé. Leurs bienfaits sont pourtant largement méconnus. On préfère se battre contre ces “mauvaises herbes”. Je trouve cela dommage de dépenser une telle énergie contre la nature, simplement pour des raisons conceptuelles et socio-historiques.

C’est-à-dire ?

Si nous préférons une pelouse “propre”, sans mauvaises herbes, c’est que cela fait partie de notre culture occidentale. Ailleurs, au Japon par exemple, la relation à la nature est très différente. Les Japonais vont essayer de la reproduire plutôt que de l’éliminer. Alors certes un jardin est forcément un endroit forcément cultivé, mais on peut essayer de rendre la main de l’Homme plus légère. Il faudrait réussir à considérer les plantes autrement qu’à travers le prisme utilitaire, mais sur le plan du relationnel, comme des amies. Cela participe à notre équilibre, pas seulement en temps de crise, mais dans la vie de tous les jours.

Certains proposent justement de changer le statut des arbres et plantes, en leur donnant des droits juridiques…

Je suis partagé. C’est, d’un côté, évoluer vers toujours plus de législation, de contrôle. Mais cela montre aussi une prise de conscience. L’idée n’est pas mauvaise en soi, mais son intérêt est plutôt symbolique. Il ne faut pas se leurrer, les droits des animaux, comme les droits de l’Homme, sont sans cesse bafoués.

Pensez-vous que le confinement ait pu changer notre relation avec la nature ? Beaucoup se sont réjouis par exemple du retour des animaux sauvages dans les villes…

Je ne serais pas si optimiste. Certains ont souffert d’un manque de nature pendant le confinement, c’est vrai, mais d’autres ont surtout éprouvé un manque de consommation. La pleine nature est vécue comme un manque de distraction et une peur. Nos contemporains sont habitués à être stimulés en permanence, à vivre dans des réalités virtuelles, et je crains qu’ils ne s’y réfugient d’autant plus à la prochaine menace. Le changement de mentalité progresse, il commence à toucher des décideurs, des personnes qui occupent des postes importants. Comment toucher les autres classes sociales ? Cela fait partie de mes remises en question. Pour l’instant je n’ai pas trouvé de solution. Pour les moins favorisés, la surconsommation de biens matériels est un moyen d’affirmer son statut. On retrouve – en partie – cet appétit pour la consommation chez les catégories socio-professionnelles hautes, mais elles vont tendre vers davantage de maîtrise, de naturel… sans que cela soit forcément désintéressé.

Commentaires (2)

    • Catherine Chantepie

    • Il y a 2 ans

    Bonjour à vous deux, juste pour vous dire que je recherche votre livre sur la cuisine des plantes sauvages et que si j’ai bien compris je vais de voir patientez un peu. Contente pour vous que votre mésaventure prenne fin 🍀
    Est ce qu’il serait possible d’avoir des nouvelles quand il sera disponible ? Merci beaucoup pour le partage de vos connaissances et vous espère que du positif pour la suite. Catherine

      • François Couplan

      • Il y a 2 ans

      Merci Catherine.
      Alors je viens de gagner mon procès contre l’éditeur qui ne me payait pas mes droits d’auteur et je vais pouvoir le rééditer prochainement.
      Là je viens de publier un nouvel “Herbier à croquer”, avec des photos et des recettes.
      Donc il est disponible.
      A bientôt.

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