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Réflexions du moment…

Je vous écris un peu plus tôt que je ne l’avais prévu, car, voici quelques jours, j’ai soudain vu ma boîte e-mail envahie de dizaines de messages alarmistes concernant l’interdiction prochaine des plantes médicinales dans l’Union Européenne. Il s’avère en fait que la vidéo larmoyante qui figurait en lien faisait référence à la même situation qu’une lettre qui avait largement circulé sur le net en octobre dernier. Je m’étais, à l’époque, renseigné sur cette problématique et avais informé de mes conclusions toutes les personnes qui m’avaient alors écrit. Et nous en avions longuement discuté pendant les cours du Collège Pratique d’Ethnobotanique. J’ai donc réagi rapidement en répondant succinctement aux personnes qui m’ont récemment écrit, inquiètes et outrées, afin de calmer les esprits. Mais je pense qu’il est souhaitable que je précise ma position, car les choses ne sont pas simples.

Je ne m’étendrai pas sur les aspects techniques de la situation en question. Vous trouverez ci-dessous quelques liens que je vous propose de suivre pour vous en faire une meilleure idée. En substance, il s’agit d’une Directive datant du 31 mars 2004 qui va devenir effective le 1er avril 2011. Celle-ci stipule que les plantes médicinales doivent faire l’objet d’une Autorisation de Mise sur le Marché pour être commercialisée dans l’Union Européenne, mais que celles qui ont traditionnellement été utilisées dans l’UE depuis au moins 15 ans bénéficieront d’une procédure simplifiée, beaucoup moins coûteuse. Il est certain que cette loi pénalise les médecines non-occidentales qui devront être reconnues depuis plus de 30 ans pour bénéficier de ces mesures allégées, ce qui est regrettable. Par ailleurs, certaines plantes pourront être considérées comme des compléments alimentaires, mais la procédure les validant est très contraignante et a très souvent abouti un refus. Il s’agit donc, en fait, d’une lutte sans merci entre l’industrie pharmaceutique et celle des compléments alimentaires (l’association ANH mentionnée dans la vidéo). De ce combat de titans provient la fameuse lettre alarmiste, vidéo et pétition à la clé, lancée par les fabricants de compléments alimentaires qui voudraient ainsi faire pression sur les autorités en faisant vibrer la corde sensible des personnes concernées : nous tous ! 

Je trouve le procédé difficilement acceptable ; rouler les gens dans la farine en détournant l’information à son profit et se constituer à peu de frais un fichier d’adresses utilisable à des fins commerciales ne me convient pas : c’est l’une des premières raisons de ma réaction.

Mais ce n’est pas l’essentiel : il me semble nécessaire d’aller plus loin, j’ai toujours aimé creuser les choses. Il est certain que la loi dont il est question plus haut n’est pas faite pour  servir les intérêts du public, mais ceux de l’industrie pharmaceutique. Il faudrait se montrer bien naïf pour penser le contraire, et avoir oublié la célèbre loi du 5 janvier 2006 qui punit de 2 ans de prison et/ou 75 000 euros d’amende quiconque prépare, commercialise, emploie ou recommande le purin d’ortie ou d’autre plantes… Nous devons constamment faire preuve de vigilance !

Mais ce que je remets en cause est avant tout la façon de réagir à cet état de fait. Comme je l’ai écrit dans mon mail, je ne crois pas qu’il soit bon de diaboliser les « méchants-qui-ont-tort-et-veulent-écraser-les-gentils-qui-ont-raison », c’est-à-dire « eux » contre « nous ». Il y a là quelque chose de subtil. En effet, il ne s’agit pas de baisser les bras en prétextant : « De toute façon, je ne peux rien faire contre les multinationales… », mais pas non plus de partir en croisade contre ces dernières.

Pourquoi ? 

  • Parce que je ne pense pas que ce soit la manière la plus efficace d’agir.
  • Parce que je suis persuadé que nous sommes tous co-responsables de cet état de fait par le soutien, plus ou moins conscientisé, que nous apportons au système qui crée cette situation.
  • Parce que je ne crois pas au pouvoir de la haine, mais bien davantage à celui de l’Amour.

Je m’explique. Pour moi, c’est l’acceptation de sa responsabilité propre qui nous donne le pouvoir d’agir efficacement. Nous pouvons le faire en tant qu’électeur (dans une mesure limitée, certes, mais estimons-nous néanmoins heureux de cette possibilité) et surtout en tant que consommateur. Ce dernier point requiert une réflexion profonde de tous les instants et, sans doute, nécessitera encore un changement certain dans nos modes de vie.

Ce système dont nous dénonçons, en l’occurrence, des aspects qui nous dérangent, est né il y a quelque dix mille ans et ses dysfonctionnements étaient déjà prédictibles. Comme en toute chose, il est impossible de pouvoir bénéficier de ses avantages sans subir en même temps ses inconvénients (avoir le beurre et l’argent du beurre…). Donc si nous voulons que les choses changent, il faut en comprendre le mécanisme précis et nous impliquer totalement dans ce changement, dans notre vie de tous les jours. C’est à nous d’être l’exemple du monde dans lequel nous souhaitons vivre ! En ce qui me concerne, j’y reviens donc, je préfère qu’il soit basé sur l’Amour plutôt que sur la haine. D’aucuns me taxeront d’utopiste, de rêveur, ou m’assèneront, à raison, que je ferais bien de faire preuve de plus d’amour dans ma vie quotidienne… Sans doute ont-ils raison. Mais depuis plus de soixante ans que je développe ma relation avec les plantes et les humains, et que je vis selon mes convictions profondes, je fais mon possible pour tenter d’améliorer les choses en moi et autour de moi. Je suis bien conscient que le travail est encore immense. Mais si je devais conclure avec un seul mot, il serait vite trouvé : confiance !

Les choses ne s’arrêtent pas là, bien entendu. Si vous voulez en savoir davantage sur les raisons de ma position face au monde, je vous propose la lecture de mon livre La Nature nous sauvera : vous y trouverez, j’en suis sûr, des pistes de réflexion. Et si vous avez envie que nous discutions de tout cela, ce sera avec grand plaisir, dans la mesure de mes possibilités.  

Cordialement
François Couplan

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