Un joli trio
En fait, il n’y a pas une mais des primevères. Dans les prés et les lisières fleurissent dès le premier printemps (ce que signifie prima vera en italien) les élégantes fleurs jaunes de la primevère officinale (Primula officinalis) et de la primevère élevée (Primula elatior), qui forment un bouquet au sommet d’une longue hampe florale. Celles de la primevère vulgaire (Primula vulgaris) semblent sortir directement du centre de la rosette de feuilles gaufrées caractéristiques de ces espèces.
Des feuilles pour soupes et salades
Les toutes jeunes feuilles de primevère peuvent être ajoutées aux salades. Elles possèdent une agréable saveur légèrement anisée – que l’on retrouve en plus fort dans les racines. Lorsqu’elles se développent on peut les faire cuire en mélange avec d’autres légumes sauvages, par exemple dans des soupes. La friture les rend croustillantes à souhait.
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De douces fleurs
Les jolies fleurs jaunes des primevères décorent superbement les plats chauds ou froids. On peut également profiter du délicat parfum des fleurs de la primevère officinale dans les desserts. Séchées, elles entrent dans la composition de mélanges médicinaux pour leurs vertus adoucissantes.
Attention !
Dans les montagnes poussent d’autres espèces de primevères. Certaines sont rares, et il faudra s’abstenir de les cueillir.
Recette :Mousse de fleurs de primevère
100 g de fleurs de primevère, 4 oeufs très frais, 100 g de sucre, Jus d’1 citron
- Battez les jaunes des oeufs avec le sucre jusqu’à ce que le mélange devienne mousseux, puis ajoutez les fleurs de primevère détachées de leur calice et finement hachées. Versez le jus de citron.
- Battez les blancs des oeufs en neige bien ferme et incorporez délicatement à la préparation précédente.
- Versez la mousse dans un plat assez profond, décorez de fleurs de primevère entières et servez immédiatement pour éviter que la mousse ne retombe.
Attention : seules les fleurs de la primevère officinale sont parfumées, pas celles des autres espèces.
Histoire de voyage…
Balade botanique sur l’île de Beauté
Lorsqu’on arrive en Corse par bateau, on sent l’île avant même de la voir : la Corse est le paradis des plantes aromatiques, que la nature, efficacement protégée, fait pousser à foison.
Chaque végétal y possède sa personnalité propre. Le ciste de Montpellier semble l’expression même de l’androgynie. En femme coquette, cet arbrisseau s’orne au printemps d’une multitude de corolles blanches, bijoux éphémères laissant rapidement place au cœur d’étamines jaunes, tandis qu’une odeur dominante affirme son caractère masculin. Ses feuilles allongées, résineuses au toucher, laissent sur les doigts une odeur balsamique rappelant le cuir de Russie (enduit d’un goudron odorant distillé de l’écorce de bouleau), agrémentée d’une note verte. Elle se perçoit déjà sur le pont du ferry venant de Marseille ou de Nice, en longeant à l’aube la côte du Cap Corse. Parmi les autres effluves du maquis, on distingue aussi celle, plus camphrée, de l’immortelle d’Italie, vilain petit canard végétal qui sait faire oublier son feuillage gris et terne en épanouissant sur des hectares entiers ses élégants capitules blonds à l’arôme de curry. L’inule visqueuse dont les feuilles collent aux doigts qui les effleurent, mêle sa note un peu nostalgique au concert harmonieux des parfums de l’île. Cette plante d’un vert tendre fleurit d’or les jours d’automne, alors que s’adoucit la lumière.
Le romarin, parure aux fleurs bleu pâle du Cap Corse, parfume les doigts d’un arôme résineux, pénétrant, qui exprime pour moi toute la puissance du végétal et dynamise mon être. Tandis que la suave fragrance du myrte aux feuilles luisantes et aiguës m’évoque douceur et bien-être. À l’instar des Anciens qui dédiaient pour sa volupté l’arbuste à Vénus, j’aime à en brûle les rameaux séchés en guise d’encens.
L’île regorge de vastes territoires à explorer, tel le célèbre désert des Agriates, une immense étendue inhabitée en bord de mer entre Calvi et Saint Florent, que je décidai d’explorer, à l’époque où je vivais en Corse. Pendant plusieurs jours, je longeai la côte d’une beauté inouïe dans sa sauvagerie presque primitive, franchissant à gué des estuaires et dormant sous les étoiles loin de toute trace humaine. Mais nulle source, nul cours d’eau. Il me fallut boire le liquide saumâtre et boueux que je faisais sourdre de terre en creusant la vase des marécages. Excellente école de survie où j’ai beaucoup appris…
Il m’arrivait de partir seul pendant plusieurs jours à travers crêtes et vallées, dans le pays secret de l’hellébore de Corse, grande plante coriace aux feuilles rigides et découpées avec d’improbables fleurs d’un vert pâle. Là seulement vit l’erba-barona, plante mythique des sommets de l’île. L’odeur mentholée mais sauvage, complétée d’une note de cumin et d’agrumes, de ce thym rampant aux feuilles miniatures rigoureusement encastrées les unes dans les autres, fait gambader le cœur.
Des sommets, la vue embrasse un panorama démesuré, circonscrit par deux mers, la Méditerranée et la Tyrrhénienne. Dans les solitudes sauvages des hauteurs, c’est le bonheur. Le vent, le puissant libecciu, souffle en rafales intenses qui effilochent les nuages et font danser les branches. La vue d’un houx prodigieux chargé de fruits écarlates qui entourent en manchons serrés le sommet des rameaux, le bruit du ruisseau cascadant qui dévale le ravin sur les roches granitiques, l’air vif et froid qui file en me frôlant, le trille du chant d’un troglodyte, le cri d’alarme d’un merle noir, tous ces éléments de la nature m’emplissent le corps et l’âme d’une force nouvelle. Rien d’autre à faire que d’être ici, maintenant, en communion avec le minéral, le végétal, et l’animal. La vie circule, tumultueuse mais paisible à travers mon être – si ces instants de grâce pouvaient durer éternellement…
(Extrait de Ce sont les plantes qui sauvent les hommes, François Couplan, Plon, 2004
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