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Ar mor, « le pays de la mer »… Pourtant, traditionnellement la plupart des Bretons sont agriculteurs plutôt que pêcheurs et le paysage de la péninsule était, avant le remembrement, celui du bocage. L’influence de la Manche et de l’Océan est cependant loin d’être négligeable : avec une longueur de quelque 2500 kilomètres, les côtes bretonnes représentent près du tiers de la longueur totale des côtes françaises. Les plantes que l’on y rencontre ont dû développer de prodigieuses adaptations pour survivre dans un milieu rendu hostile par le sel et le vent.

Contre vents et marées…

Enracinée sur les rocs et les falaises soumis à la brûlure des embruns, l’étonnante criste-marine résiste sans broncher. Tout chez elle est charnu, ses tiges et ses feuilles découpées en épaisses lanières vert pâle, ses fleurs jaune tendre et ses fruits qui prennent en mûrissant une élégante couleur vieux rose. L’épaississement de ses tissus est sa défense contre le sel qui tuerait toute plante non spécialisée. Une solution saline, plus concentrée que l’eau constitutive des cellules attire cette dernière hors de la cellule par phénomène d’osmose. Certains végétaux réussissent à éviter cette mort certaine par dessèchement en isolant le sel dans des tissus spéciaux. Ainsi peuvent-ils vivre dans des conditions d’où presque toute concurrence est exclue.

La criste-marine ressemble à une carotte et sa saveur le confirme : il s’agit bel et bien d’une cousine du célèbre légume-racine. Toutes deux sont membres de la grande famille des Ombellifères. Mais ici, la partie souterraine est grêle et se contente d’ancrer fermement la plante à son substrat rocheux. On en consomme les feuilles remplies d’un jus à la fois sucré, aromatique et salé. Elles se croquent telles quelles, s’ajoutent, crues, aux salades composées ou se préparent en condiment. Souvent elles sont conservées dans le vinaigre et se mangent comme les cornichons, surtout dans la région méditerranéenne. 

L’aire de répartition de la criste-marine est vaste. Les plantes du bord de mer, inféodées à un milieu très spécifique se retrouvent généralement le long des côtes de l’Europe entière, de la Baltique à la Mer Noire, en passant par la Mer du Nord, l’Atlantique et la Méditerranée. Contrairement aux végétaux terrestres, la latitude ne revêt guère d’importance tellement prévalent les conditions du milieu. 

Le nom de « criste » dérive du latin Crithmum, lui-même issu du grec krithi, « orge » car les fruits rappellent des grains de céréale. Son surnom de « fenouil marin » souligne sa parenté avec la plante anisée. La ressemblance s’arrête d’ailleurs à la couleur des fleurs. 

D’après une légende bretonne, une âme humaine sommeillerait dans l’humble végétal. Un jour, une fée jalouse transforma en poisson l’ami d’une jeune fille. Celle-ci voulut s’élancer dans la mer après lui mais la cruelle enchanteresse la transforma en criste-marine, destinée à contempler sans fin l’océan du haut de ses rochers…

Condiment de criste-marine        
Hachez moyennement des feuilles charnues de criste-marine et plus finement des échalotes et de l’ail.     Ajoutez de l’huile d’olive, du vinaigre et du sel.
Mettez dans des bocaux et recouvrez d’huile d’olive pour la conservation. Ce condiment aromatique relève les salades, les céréales, les viandes bouillies et le poisson. 

En lisière de grève 

Les terres sableuses ou graveleuses qui bordent la mer s’ornent naturellement d’un buisson au feuillage argenté, l’arroche arbrisseau. Son effet décoratif est tel qu’on le cultive souvent pour agrémenter les jardins. Appréciable bonus, ses jeunes pousses et ses feuilles charnues sont comestibles. Et spontanément savoureuses : pas besoin d’ajouter de chlorure de sodium à l’eau de cuisson car l’arroche arbrisseau, que les embruns n’effraient guère, sait elle aussi stocker le sel dans ses tissus. Juste cuites à la vapeur, pousses et feuilles sont excellentes. Un peu de beurre (non salé…) et rien de plus. Les Égyptiens et les Grecs anciens en faisaient déjà leurs délices. En Angleterre, les feuilles étaient conservées au vinaigre et employées comme condiment.

On surnomme notre plante « pourpier de mer », bien qu’elle n’ait rien à voir avec la plante grasse du même nom qui envahit les potagers (p. 000) si ce n’est une relative épaisseur des feuilles. Les arroches appartiennent à la même famille[1] que les chénopodes (p. 000), les épinards et la betterave (ci-dessous), légumes appréciés.

Un peu en retrait du littoral, mais à portée d’oreille du ressac, se dressent les touffes de l’arroche hastée. Plante herbacée, bien plus petite que sa cousine ligneuse, elle ne lui ressemble guère. Ses larges feuilles épousent la forme d’une hallebarde, en latin hasta avec un contour triangulaire et deux oreillettes écartées à la base. Bien vertes, elles rappellent l’épinard, d’ailleurs proche. Comme les autres membres de la famille, c’est un légume de choix qui peut s’accommoder de mille et une manières, par exemple pour fourrer des galettes de sarrasin.

Une troisième espèce, l’arroche étalée, est une « mauvaise herbe » commune des jardins. Souvent confondue avec le chénopode blanc, elle possède comme ce dernier des feuilles palmées, comestibles. Légère différence, ses tiges s’étalent d’abord sur le sol en tous sens avant de se redresser vers le ciel. Mais ce sont leurs « fruits » qui différencie véritablement les arroches des chénopodes : chez les arroches, la graine est entourée de deux grandes ailes rondes nettement visibles, absentes chez les chénopodes. 

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De si petits détails possèdent une grande importance, souvent bien davantage que l’aspect général de la plante. En effet, pour survivre à un environnement donné, les végétaux doivent développer des adaptations particulières qui se traduisent par des morphologies semblables malgré des origines très différentes. Or la science de la classification, ou « taxonomie », tente d’établir les liens de parenté existant entre les espèces, c’est-à-dire leur arbre généalogique – tout comme chez les êtres humains. Pour ce faire, le caractère le plus évident reste la structure des organes de reproduction, fleurs et fruits. Ainsi dans notre cas, la ressemblance des fruits ailés entre l’arroche hastée, l’arroche étalée et l’arroche arbrisseau dénote une proximité qui suffit à les faire classer dans le même genre Atriplex.

Galettes aux feuilles d’arroche 
Mélangez 250 g de farine de sarrasin, 2 œufs, 50 cl d’eau froide et 40 g de beurre fondu – plus une pincée de sel si le beurre n’est pas salé.
Laissez reposer la pâte 2 heures à couvert.      
Faites cuire les galettes des deux côtés dans une poêle en fonte brute bien graissée avec un chiffon imbibé de beurre.      
Hachez grossièrement les feuilles d’arroche et faites-les fondre doucement dans une sauteuse avec un bon morceau de beurre.       
Garnissez-en les galettes puis repliez ces dernières et servez immédiatement. Vous pouvez aussi passer les feuilles d’arroches à la vapeur et les mélanger à une sauce béchamel avant d’en fourrer les galettes. 

La plupart de nos légumes sont originaires de l’autre bout de la planète[2]. La betterave est l’une de nos rares plantes cultivées indigène. Sa forme originelle, la betterave maritime, abonde le long des côtes de la Méditerranée à la Baltique, en passant par la Bretagne. Cousine des arroches et des chénopodes, elle offre avant tout à notre gourmandise ses larges feuilles charnues, caoutchouteuses au toucher, fermes mais tendres – en tout point semblables à celles des bettes cultivées . La « poirée » en est la forme horticole la plus proche de l’état naturel. Chez les bettes à cardes, le pétiole déjà épais au départ s’est démesurément élargi pour donner les côtes charnues que l’on prépare en gratins. Quant à la betterave proprement dite, c’est la racine qui se gorge de sucre et prend chez certaines variétés une riche couleur pourpre terriblement colorante. Ce renflement nutritif ne s’observe qu’en ébauche sur la betterave maritime.

Notons que les « blettes » méridionales ne sont autres que des feuilles de bette, leur nom provenant de l’attraction de celui d’un ancien légume fort estimé des 
Romains, la blite, une amaranthe (p. 000) aujourd’hui reléguée au rang de « mauvaise herbe » : bette + blite = blette… Le terme créole de « brèdes » qui désigne à la fois divers légumes-feuilles et leur préparation avec oignons, tomates et piment fait également référence à cet antique végétal.

Les algues, légumes de la mer

Le long des côtes bretonnes se rencontrent toute l’année, souvent en abondance, une grande variété d’algues. L’usage du varech pour fumer les champs est traditionnel. Mais il n’était pas rare de consommer ces véritables légumes des mers sous forme de bouillies, de gelées, ou d’autres plats au goût iodé. Si ces usages sont tombés en désuétude dans notre pays, ils se maintiennent encore en Irlande, en Écosse ou en Islande. Et bien sûr au Japon, où la consommation d’algue, célébrée depuis des millénaires est toujours quotidienne. La gastronomie japonaise nous a d’ailleurs familiarisés avec certains emplois des algues qui, comme les sushis, sont devenus classiques. 

Nos algues indigènes, que l’on tente d’ailleurs de revaloriser en Bretagne, ne manquent pourtant pas d’intérêt. Tout d’abord, parmi les algues de grande taille qui poussent sur nos côtes, aucune n’est toxique. Certaines sont amères et beaucoup sont trop coriaces, mais il n’y a pas de risque de s’empoisonner. À condition bien sûr de prendre garde aux pollutions locales. De plus, ces végétaux marins peuvent se récolter pendant toute l’année. La plupart des algues poussent sur les rochers. Certaines espèces sont découvertes à marée basse tandis que d’autres restent constamment submergées. Il faut alors plonger à leur rencontre… où plus simplement attendre que les tempêtes les arrachent et les déposent sur la grève. Dans ce cas, il importe de les ramasser rapidement car les algues se décomposent vite. 

La laitue de mer, feuille mince et ondulée d’un séduisant vert vif, pousse sur les rochers découverts par la marée et dans les flaques que laisse la mer en se retirant. Elle se mange telle quelle, mais seulement une fois séchée : fraîche, sa consistance ressemble à celle d’une feuille de plastique…

Il en est de même de la dulse, l’une des plus savoureuses. C’est une lame rouge foncé, profondément et irrégulièrement divisée, bordée de protubérances. Elle se développe sur les rochers toujours recouverts ou sur d’autres algues.

Les grandes laminaires, épaisses et coriaces, sont divisées en longs segments parallèles et munies d’un pied allongé, cylindrique et flexible. Elles aussi viennent sur les rochers immergés. Il faut les couper en morceaux lorsqu’elles sont fraîches, puis les sécher. On les cuit ensuite dans des soupes ou avec des céréales. On en confectionnait un curieux « pain d’algues » d’origine celtique en Bretagne et au Pays de Galles.

Le fucus se reconnaît facilement à ses branches étroites et allongées, d’un brun verdâtre, munies d’une nervure centrale et de petits flotteurs en forme d’olive. Il est commun sur les rochers découverts par la marée. Frit dans une poêle, il devient délicieusement croustillant.

La mousse d’Irlande ou carragheen, une algue cartilagineuse d’un rouge pourpré, divisée en lobes aplatis, allongés et étroits, servait à préparer des desserts gélifiés, les « blanc-mangers », jadis fort appréciés. 

Récoltées industriellement, les algues sont très utilisées dans l’industrie alimentaire sous forme d’alginates qui servent à épaissir les flans, les yaourts et les sauces. Elles sont en fait souvent présentes, sans que nous le sachions, dans notre nourriture quotidienne. L’agar-agar est un ensemble d’algues originaire des mers du sud-est de l’Asie, très employé comme gélifiant. Il permet de remplacer avantageusement la gélatine, plus pâteuse, produite à partir des squelettes, des peaux et des sabots des animaux d’abattoir.

Outre leur intérêt gustatif, les algues sont un aliment remarquable dont les propriétés nutritionnelles ont été bien étudiées. Extrêmement riches en sels minéraux et en oligo-éléments, elles rééquilibrent l’organisme, renforcent le système immunitaire et stimulent les glandes endocrines. Leur exceptionnelle teneur en iode permet d’éviter ou de faire disparaître les goitres, augmentation pathologique du volume de la glande thyroïde. Certaines algues possèdent également des vertus médicinales, telle la mousse de Corse, anthelminthique jadis réputé, dont la décoction permet d’éliminer les vers parasites. Et plusieurs d’entre elles, en particulier les Fucus, sont employées dans le traitement de l’obésité et de la cellulite. Enfin, les algues entrent dans la composition de nombreux produits cosmétologiques.

« Pain d’algues »·
 Lavez soigneusement les algues, laitue de mer ou dulse de préférence.
Passez-les rapidement, un peu humides, dans une poêle afin de les faire fondre.
Moulez grossièrement des grains d’avoine ou hachez des flocons d’avoine pour en réduire la taille.·        Mélangez les algues et l’avoine. Salez, poivrez et ajoutez un jus de citron.
Farinez vos mains et formez des galettes d’environ 10 cm de diamètre sur 1 à 2 cm d’épaisseur. Roulez celles-ci dans la farine d’avoine.
Faites frire les galettes à la poêle dans de la graisse végétale jusqu’à ce qu’elles soient bien dorées de chaque côté.
Déposez sur du papier absorbant et servez bien chaud. Cette recette, jadis connue dans les divers pays celtiques bordant la mer est toujours traditionnelle au Pays de Galles. 

Douceur des prairies maritimes

Les prés salés où pâturent de savoureux moutons, hébergent une plante médicinale au nom célèbre, la guimauve. Sa tige dressée, rigide, porte de pâles feuilles duveteuses et des fleurs blanches typiques de la famille de la mauve (p. 000), les Malvacées. Cinq pétales soudés à la base entourent une colonne d’étamines fusionnées, semblable à un jet d’eau retombant traversé par cinq styles en forme de filaments. 

Comme tous les membres de sa famille, les Malvacées, la guimauve renferme un abondant mucilage qui lui confère des vertus adoucissantes et laxatives. Ses fleurs entrent dans des mélanges destinés à soulager les problèmes pulmonaires, à calmer la toux et à faciliter l’expectoration (p. 000). Ses racines sont données à mâcher aux bébés qui percent leurs dents pour en faciliter la venue. Ses fleurs décorent joliment les salades. 

La « guimauve » des confiseurs n’a pas grand chose à voir avec notre plante. Confectionnée à l’origine avec une décoction concentrée de racine de guimauve, elle met aujourd’hui en œuvre des blancs d’œuf en neige, un sirop de sucre et de la gélatine – plus bien entendu arômes et colorants de synthèse…

Sur la lande fleurie

Carte postale, souvenir de Bretagne : une lande couverte d’ajoncs en fleurs sur une falaise dominant les flots, à perte de vue… Tout hérissé qu’il soit d’épines acérées, cet arbrisseau aux tiges vertes est cher au cœur des Bretons. Sans doute parce qu’il se pare en toutes saisons de féeriques papillons d’or : promettre d’aimer tant que l’ajonc sera en fleurs, c’est promettre d’aimer toujours. 

On dit pourtant que le genêt fut créé par Dieu et que le diable voulant l’imiter ne parvint qu’à engendrer l’ajonc aux dards cruels. D’après une légende du Finistère, le rusé finit néanmoins par obtenir sa revanche. Mécontent de ce que tous les Bretons allaient au Paradis, Satan s’en plaignit un jour à Dieu. Après réflexion, celui-ci lui accorda les âmes de tous ceux qui mourraient lorsque la lande serait défleurie. Le malin s’en alla, se frottant les mains et ricanant : on était en novembre, bientôt l’hiver serait là… Mais les mois passèrent et la lande resta jaune de fleurs d’ajoncs. Pour arriver à ses fins, le démon planta des vignes et les chauffa du feu de l’Enfer. Les raisins mûrirent rapidement et produisirent un vin gorgé d’alcool. Le diable ouvrit donc des cabarets sur les chemins du Paradis où les Bretons vinrent se saouler. Et le prince des ténèbres emporta leur âme…

Maigre consolation, les sorciers ne peuvent ensorceler le beurre si la baratte est en genêt ou en ajonc. Et les boutons floraux d’ajonc peuvent être conservés au vinaigre comme les câpres.

Épice au cœur des tourbières

À l’intérieur des terres, mais jamais loin du littoral, de vastes marais abritent le seul représentant européen d’une famille très confidentielle, les Myricacées. Quelques espèces s’en rencontrent le long des côtes Atlantiques de l’Amérique du Nord et de la Macaronésie[3]. Notre espèce, la Myrica gale, est connue sous le nom de cirier ou « piment royal ».

C’est un élégant arbrisseau buissonnant au feuillage dense. Ses feuilles, élargies et dentées au sommet, d’un vert mat, sont coriaces et parsemées en dessous de glandes à résine. Elles dégagent lorsqu’on les froisse un arôme pénétrant. Myrica provient du grec myron, « parfum ». On les utilisait jadis localement comme le laurier dans les soupes, les sauces et les pot-au-feu, les courts‑bouillons et les ragoûts. Leur emploi pour aromatiser la bière était traditionnel en Europe avant la généralisation de l’usage du houblon au Moyen Âge.

Les feuilles renferment une huile essentielle et une résine aromatique. Leur infusion aromatique stimule la digestion. En excès, la résine est vomitive et purgative et l’huile essentielle distillée de la plante serait stupéfiante. Il conviendra donc de n’utiliser les feuilles comme aromate qu’avec modération.

Les petites fleurs jaunâtres sont groupées en chatons mâles ou femelles sur des pieds différents. Elles fleurissent avant que n’apparaissent les feuilles et donnent des boules rondes et charnues, grosses comme un pois, d’un bleu-blanchâtre. Résineux et odorants comme les feuilles, les fruits du cirier servaient d’épice. Ils sont recouverts d’une fine couche de cire que l’on peut gratter avec l’ongle. On en faisait jadis des bougies naturellement parfumées. Les fruits mis à bouillir dans de l’eau libèrent la cire qui est écumée, rassemblée puis fondue dans des moules. Les bougies de cirier sont aujourd’hui totalement introuvables. 

Menaces sur l’Ouest…

Tous les fossés de l’ouest de la France débordent d’une exubérante Ombellifère, l’œnanthe safranée ou « pensacre ». C’est une grande plante de plus d’un mètre dont la robuste tige porte de grandes feuilles divisées en segments découpés. Les petites fleurs blanches ou rosées sont réunies en ombelles amples. Situées sous l’eau, les racines adventives se renflent en gros tubercules allongés en fuseau, réunis en grand nombre à la façon de ceux du dahlia. À la coupure apparaît un suc jaunâtre devenant brun rouille.

L’œnanthe safranée est très dangereuse. L’ingestion de ses racines charnues ou de ses feuilles, même en petite quantité, déclenche des troubles digestifs, respiratoires, nerveux et circulatoires fréquemment mortels. Les tubercules ont parfois été confondus avec ceux de végétaux alimentaires. En 1982, plusieurs militaires moururent pour avoir consommé d’appétissantes racines d’œnanthe au cours d’un raid de survie… Pourtant aucune plante comestible de nos régions ne possède de gros tubercules attachés en groupe à la base de la plante et d’une couleur brun rouille caractéristique à l’intérieur. L’angélique qui pousse aussi dans les endroits humides se reconnaît aisément à ses larges folioles et à l’odeur aromatique qu’elle dégage au froissement.

Bien qu’originaire des Balkans, le laurier-cerise fait partie intégrante du paysage breton : villas et bâtiments publics se cachent derrière les impénétrables haies de ce cerisier aux grandes feuilles persistantes. Coriaces, glabres, d’un vert sombre luisant, elles dégagent lorsqu’on les a froissées une forte odeur d’amande amère. Il faut attendre une minute environ pour qu’elles libèrent leur essence odorante, de l’aldéhyde benzoïque. 

Malheureusement, celle-ci s’accompagne d’acide cyanhydrique, extrêmement toxique. Malgré le danger, les feuilles de laurier-cerise servaient autrefois à parfumer le lait pour préparer des crèmes au goût plaisant d’amande amère. Mais des accidents sont survenus rien qu’avec quelques feuilles, en particulier chez des enfants, moins résistants et friands de dessert. Ils se manifestent par des troubles nerveux et respiratoires pouvant entraîner la mort. La toxicité avérée des noyaux et des pépins des fruits des différentes Rosacées sauvages ou cultivées[4] est due à la même cause.

Par contre les fruits charnus et insipides sont parfaitement inoffensifs. Ce sont de grosses cerises, un peu ovales, noirâtres. En effet, le laurier-cerise est bel et bien un cerisier. Si on le laisse se développer, il devient un bel arbre au tronc gris et rugueux comme une peau d’éléphant, se couvrant au printemps de jolies fleurs blanches, à cinq pétales et nombreuses étamines, réunies en longues grappes dressées.

En Bretagne, le laurier-cerise était crédité de vertus prémonitoires : pour voir son futur mari en songe, il fallait poser sous l’oreiller une feuille de laurier-cerise sans en parler à personne… Qui sait ?


[1] Les Chénopodiacées.

[2] D’Amérique pour la pomme de terre, le poivron et la tomate, d’Asie pour l’aubergine, l’ail et l’oignon, etc.

[3] Les archipels des Canaries, de Madère, des Açores et du Cap Vert.

[4] Cerises, prunes, pêches, abricots, amande amère, pommes, poires, coings, nashis, etc.

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