Terre et Nature
Jeudi 16 décembre 2004
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Ethnobotaniste,
François Couplan
encourage chacun de nous à s'initier à la
cueillette des plantes sauvages, pour découvrir
un univers de saveurs et de vertus
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Plantes sauvages : Garde-manger naturel
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« Il
y a encore pas mal de plantes, en ce moment. Les gelées
n'ont pas été trop fortes: vous pouvez
en ramasser. » Avec à son actif de nombreuses
années d'expérience et trente-quatre livres
consacrés aux plantes, l’ethnobotaniste
François Couplan, docteur ès sciences au
Muséum d'histoire naturelle de Paris, est considéré comme
un expert en la matière. Le public ne s'y trompe
pas et fréquente avec assiduité ses conférences
et ses stages sur le terrain. Comme à Aigle (VD),
où, dernièrement, invité par l'Espace
Prévention, il a abordé le thème « Que
nous apportent les plantes sauvages? » devant une
salle comble.
De
l'ortie à la stellaire
« L'homme ne peut pas vivre sans se nourrir de
végétaux. Pendant quatre millions d'années,
il s'est nourri de plantes sauvages. La cueillette s'est
maintenue très longtemps, en même temps
que l'agriculture. C'est une tradition qui s'est perdue
depuis peu. Pourtant, si l'on regarde le problème
en face, la nature fournit une abondance de plantes qui
suffiraient largement à nourrir la population
mondiale. Aujourd'hui, je ne fais que rafraîchir
les mémoires. La plupart des apprentis cueilleurs
se familiarisent avec le monde des végétaux
en commençant par les plantes les plus banales.
Banales, mais précieuses, comme le souligne François
Couplan: « Prenez les orties. Elles contiennent
sept fois plus de vitamine C que les oranges. S'il ne
fallait garder qu'une seule plante, pour moi, ce serait
celle-là. Elle possède une multitude de
vertus, se trouve partout, et s'accommode de multiples
façons. Par exemple hachée avec du beurre,
de l’huile d’olive, du sel et un jus de citron,
c'est un régal ! Un autre végétal
des plus courants est l'égopode, aussi appelé l'herbe
au goutteux. C'est la mauvaise herbe par excellence,
qui adore les motoculteurs! Coupez-la et elle repoussera
de plus belle. Eh bien! avec ses petites feuilles, vous
pouvez réaliser des salades parfumées.
On en fait aussi de très bons gratins. Et le goût
de sa fleur blanche rappelle celui de la carotte. C'est
la plante idéale. » L’ethnobotaniste
le souligne souvent : la prévention est l'un des
aspects fondamentaux de l'alimentation. Dotées
de protéines équilibrées en acides
aminés, les plantes sauvages représentent
une source de santé et une infinité de
saveurs.
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Saine gourmandise
C'est
cet aspect qui captive François Couplan
depuis son plus jeune âge : « J’en
consomme une trentaine d’espèces différentes.
Mais, au fil de l'année, on peut en ramasser jusqu'à deux
cents. Certains chefs cuisiniers font des choses exceptionnelles à base
de plantes. C'est de la gourmandise saine ! »
L’homme devient intarissable lorsqu'il s'agit de
décrire le goût d'huître de la bourrache
dont on peut tirer « le vin des dieux »,
ou l'arôme de champignon qui se dégage du
plantain lorsque l'on froisse ses feuilles pendant quelques
instants. Cette plante médicinale de première
importance dans la trousse de secours de la nature ne
se contente de désinfecter, d'aider à la
cicatrisation et de dissoudre le venin : elle parfume
aussi subtilement les potages et les plats.
Régime crétois
Si
certaines plantes, comme la rhubarbe, le pissenlit
ou l’épinard sauvage sont encore couramment
cueillies, d'autres ont sombré dans l'oubli en
Europe occidentale. Dans certaines régions tant,
comme en Crète, la tradition de la cueillette
est encore fortement ancrée dans les habitudes.
Base du fameux régime crétois, la consommation
de plantes semble un gage de santé.
«
Tous les goûts sont dans nature. Prenez les rosettes
de coquelicots, elles sont universellement ramassées
dans les régions méditerranéennes.
C'est succulent. Très croquant, avec un goût
fin. Même à l'état de fleurs, le
coquelicot n'est pas toxique contrairement à ce
que l'on dit. On utilise ses graines comme celles du
pavot. »
Véritable encyclopédie vivante, l’ethnobotaniste
partage son savoir avec un naturel désarmant.
Mais n'attendez pas de lui qu’il vous mâche
la besogne dans les stages qu'il organise, en Suisse
comme en France : « Je ne vendrai jamais de plantes
mais je donnerai à ceux qui le désirent
la possibilité d'aller les ramasser. Parce que,
d'abord, cela fait prendre de l'exercice, et que, ensuite
cela permet de développer une table relation entre
la plant et le cueilleur. »
Marie Bernier
François Couplan est une véritable
encyclopédie vivante des plantes.
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Cueillir
avec précautions
Tout
le monde peut ramasser les plantes. Elles poussent
partout et se renouvellent constamment
Se lancer dans la cueillette ne doit pourtant
pas se faire sans précautions. François
Couplan conseille de débuter en apprenant à reconnaître
quelques plantes faciles et impossibles à confondre.
Ensuite, il faut apprendre par cœur les
plantes toxiques. Dies ne sont pas nombreuses,
mais il faut les retenir systématiquement
pour éviter les confusions. «La
meilleure façon de procéder est
de se rendre sur le terrain avec quelqu'un qui
s'y connaît et qui peut vous permettre
de rencontrer les plantes, sans risque. Petit à petit
il vous faut trouver vos repères, vous
familiariser avec les différentes espèces
et développer une relation avec' la plante.» Ce
n'est qu'à ces seules conditions que vous
sera ensuite ouvert sans restriction le garde-manger
du Bon Dieu !
M.
B.
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