Interview de François Couplan

ALTERNATIVE SANTÉ N° 315

Les plantes,un modèle de don de soi

Alternative Santé : En quoi la connaissance et surtout la proximité des plantes ont-elles changé votre vie ?

Apprendre à les connaître et à m'en nourrir m'a donné la certitude que, quoiqu'il m'arrive, tous mes besoins seront toujours satisfaits. J'ai donc acquis une force et une indépendance qui me portent au quotidien. Les plantes savent s'adapter à leur environnement et m'ont appris la souplesse. En développant une relation de proximité avec elles, on ne voit plus les choses comme avant. Tout devient plus simple, plus léger.

Alternative Santé : La nature "sauvage" n'existe plus !

Quand l'homme a commencé à cultiver, vers 10 000 ans avant J-C, il s'est séparé de son environnement originel puis il a entrepris de le détruire systématiquement. À l'heure actuelle, sa tâche est presque terminée et ne restent plus de par le monde que quelques poches de forêts primaires. Mais la végétation ancienne existe toujours: on peut encore aujourd'hui ramasser des plantes du Paléolithique. Dans la forêt de Sénart, par exemple, j'ai pu cueillir de la prunelle, de l'aubépine, des cynorrhodons, comme le faisaient nos ancêtres préhistoriques... Même Paris est un havre de nature sauvage, j'ai trouvé de la camomille matricaire sur l'esplanade des Invalides, de la consoude à la Sorbonne, du tussilage à Belleville, de la roquette sauvage quai de Grenelle. Nous vivons dans une caverne d'Ali Baba!

Alternative Santé : Comment développer sa relation avec les plantes ?

Les plantes invitent à une relation sensorielle qui ouvre les portes d'un monde insoupçonné. Beaucoup se passe par la vue, par le toucher, l'odorat, le goût... L'être humain n'est pas complet sans cette relation. Ce n'est pas de la théorie: c'est du concret, du palpable. Mais cela va beaucoup plus loin. Les plantes sont des êtres spirituels.

Alternative Santé : Le spirituel, c'est-à-dire ?

C'est ce qu'on ne peut pas emprisonner dans des mots, des classifications. C'est ce qui appartient à toutes les religions au-delà de leurs différences. On devient spirituel quand l'autre devient plus important que soi. C'est se percevoir avec un recul infini,
trouver sa juste place dans le juste instant du monde. Au pied d'un arbre, devant les plantes, je me relie à l'absolu. Dans de nombreuses cultures, les plantes sauvages sont un vecteur vers le divin. Elles continuent aujourd'hui, comme hier, de pousser toutes seules, de croître là où elles veulent, en liberté - tant que l'homme ne les détruit pas... Les plantes vivent dans le don total : elles nourrissent, elles soignent, elles embellissent... Ce sont là les dimensions mêmes du christianisme.

Alternative Santé : Les plantes sont "chrétiennes"

Les plantes ne sont pas ceci ou cela : elles « sont », simplement. Je suis païen par essence, mais pour moi, la seule solution c'est le don absolu de soi à chaque instant. La plante est un modèle. C'est pour cela qu'elle guérit l'homme : le soin est là quand on se donne totalement à la réalité, aux autres.

François Couplan

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE DHOMBRE